mardi 29 novembre 2011

Maroc : les islamistes de Sa Majesté


Grand vainqueur des législatives, le parti islamiste PJD ne conteste pas le pouvoir du roi, qui restera le seul maître du pays.

Abdelilah Benkiran, chef du PJD, qui devrait être nommé par le roi Mohamed VI nouveau chef de l'exécutif marocain, verra sa marge de manoeuvre considérablement réduite.
Abdelilah Benkiran, chef du PJD, qui devrait être nommé par le roi Mohamed VI nouveau chef de l'exécutif marocain, verra sa marge de manoeuvre considérablement réduite. © Abdelhak Senna/ Balkis Press / AFP/Abaca

Le cas Ennahda ferait-il désormais école au Maghreb ? Après la victoire écrasante du parti islamiste en Tunisie, et celle déjà annoncée des Frères musulmans en Égypte, les islamistes modérés du Parti justice et développement (PJD) ont remporté une large victoire aux législatives avec 107 sièges sur 395, et vont diriger le gouvernement pour la première fois dans l'histoire moderne du royaume. À sa tête, Abdelilah Benkirane, chef du PJD, devrait être nommé mardi par le roi Mohamed VI nouveau chef de l'exécutif marocain.
Une victoire islamiste qu'a toutefois tenu à relativiser le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, soulignant que les membres du PJD n'avaient pas de majorité absolue et faisaient déjà partie du précédent Parlement. "C'est un parti qui a des positions modérées. On ne peut pas partir du principe que tout parti qui se réfère à l'islam doit être stigmatisé. Ce serait une erreur historique", a insisté Alain Juppé, estimant qu'"il faut au contraire parler avec ceux qui ne franchissent pas les lignes rouges qui sont les nôtres, c'est-à-dire le respect des élections, l'État de droit, les droits de l'homme et de la femme".

"Volonté de changement" (islamologue)

"La tendance actuelle dans les sociétés arabes est d'élire des représentants islamistes", affirme l'islamologue Mathieu Guidère*. "Mais dans le cas marocain, il s'agit d'une transition davantage encadrée et réglée qu'en Tunisie." Avec une participation en hausse (45 %), les premières élections libres et ouvertes du pays, issues de la nouvelle Constitution votée en juillet dernier, ont permis au parti islamiste de voir son nombre de députés passer de 45 à 107 (sur 395), correspondant à son poids réel dans la population marocaine. Dès lors, cette victoire est-elle, comme en Tunisie, synonyme de "vote sanction" à l'encontre du système en place ou illustre-t-elle au contraire la montée en puissance du conservatisme religieux au Maroc ?
"Ce résultat montre une volonté de changement, répond Mathieu Guidère. Mais il est pour le moins transitoire." Car si le scrutin est officiellement "libre", il ne rassemble en réalité que des partis refusant de remettre en cause le statut de "commandeur des croyants" du roi, et à travers lui, la monarchie. Ce n'est donc pas une surprise si la campagne du PJD s'est limitée au thème populiste de la lutte contre la corruption, qui gangrène le royaume depuis toujours. "Le PJD a utilisé le fait qu'il était le moins corrompu des partis en lice, tous entachés de scandales d'ampleur", explique Zineb el-Rhazoui, journaliste et militante du Mouvement démocratique et civil du 20 février. Née des premières heures du Printemps arabe, la formation appelle à une "monarchie parlementaire réelle" limitant le pouvoir absolu du roi. Ainsi, il a préféré boycotter le processus électoral, estimant que la nouvelle constitution de juillet ne "possède pas de base démocratique", le roi restant désigné à vie.

"Islamistes royalistes" (militante)

"Le PJD est un parti d'islamistes royalistes, créé en 1998, fondé avec le parrainage du ministère de l'Intérieur de Hassan II", rappelle ainsi Zineb el-Rhazoui. "Quant à son chef, Abdelilah Benkirane, il estime que la monarchie parlementaire n'est pas adaptée au Maroc". La militante souligne par exemple le fait que le parti n'ait pas soutenu le Printemps arabe, allant même jusqu'à se ranger derrière le ministère de l'intérieur en condamnant les manifestations. Mais le Mouvement du 20 février n'est pas seul. Il bénéficie du soutien d'un allié de poids, Al Adl Wal Ihsane (Justice et bienfaisance), seul organe réclamant l'abolition pure et simple de la monarchie, brisant un tabou dans le royaume.
"C'est lui, le véritable parti islamiste", indique Mathieu Guidère. Avec près de 200 000 adhérents dans le royaume, Justice et bienfaisance demeure l'un des plus gros mouvements islamistes, après les Frères musulmans. Mais il a toujours été interdit. "Plus ancré et populaire que le PJD, cet organe beaucoup plus radical aurait obtenu beaucoup plus de voix s'il avait été autorisé à se présenter", affirme l'islamologue. C'est d'ailleurs le report de ses voix qui expliquerait l'impressionnant score du PJD. Pour la première fois à la tête d'un gouvernement, celui-ci aura une marge de manoeuvre limitée, les pouvoirs régaliens restant l'apanage du seul roi.

Nouveau rapport de forces

"Le nouvel exécutif ne disposera d'aucune prérogative", prévient Zineb el-Rhazoui. "Le Premier ministre ne pourra diriger le Conseil ministériel que par dérogation." En d'autres termes, c'est toujours au roi de fixer l'ordre du jour. D'ailleurs, dès l'annonce des résultats officiels dimanche soir, Abdelilah Benkirane a réitéré son allégeance au souverain. "Le roi est le chef de l'État et aucune décision importante ne peut être prise en Conseil des ministres sans la volonté du roi", a-t-il insisté. L'homme s'emploie actuellement à former un gouvernement de coalition, tablant sur une alliance avec les opposants "historiques" de l'Istiqlal (nationalistes conservateurs) et des partis de gauche USFP et PPS.
"Le rapport de forces au Maroc oppose désormais ceux qui sont décidés à jouer un rôle dans la transition démocratique réglée et ordonnée par le palais et ceux qui la refusent", résume Mathieu Guidère. Si ces derniers semblent avoir perdu une manche, ils pourraient continuer à jouer un rôle central à l'avenir. "Comme pour les précédents gouvernements, Le PJD, qui a accepté de se soumettre au Makhsen (régime marocain), pourrait se retrouver en porte-à-faux face à une corruption généralisée au sommet du régime", prévient Zineb el-Rhazoui. "Dans cette situation, le PJD ne risque que le discrédit." Pour Mathieu Guidère, les prochains mois s'avèrent d'ores et déjà déterminants. "Soit le roi accorde une marge de manoeuvre sociale suffisante pour que le PJD ait l'occasion de démontrer son efficacité, et attire vers lui les autres tendances islamistes. Soit il refuse, et ne fera que les radicaliser."

 Par
* auteur du Choc des révolutions arabes (éditions Autrement)

source le point

1 commentaire:

  1. khalfa02.
    III- Le Maroc, destination préférée des politiciens français

    Une quarantaine de personnalités françaises de premier plan ont opté pour le Maroc pour leurs vacances de fin d’année lors de la révolte arabe de 2010. De l’ancien président Jacques Chirac, à Taroudant, dans le sud du pays, à son successeur Nicolas Sarkozy, qui y a passé des vacances de Noël en 2009 et en 2010, à la résidence royale de Jnane Lekbir, à 3 kms de Marrakech, à son ancienne adversaire socialiste de 2007, Ségolène Royal, qui y a séjourné en 2010, avec son compagnon André Hadjez, au sein d’un « palace de Ouarzazate », dans le sud du pays, à Jean Louis Borloo, ministre de l’écologie, au couple Balkany, Isabelle et Patrick Balkany, maire de Levallois, à Hervé Morin (et 18 membres de sa famille à l’hôtel Es-Saâdi de Marrakech), à Brice Hortefeux et naturellement Philippe Douste Blazy, ancien ministre des Affaires étrangères qui fit l’objet d’un scandale.

    La «tribu Maroc» s’étend bien au-delà de ces attaches. De Bernard-Henri Lévy à Thierry de Beaucé, à Dominique Strass Khan et Anne Sinclair, à Elizabeth Guigou et Dominique de Villepin, nombre de dirigeants politiques, chefs d’entreprise, intellectuels médiatiques et célébrités du showbiz ont à Marrakech ou ailleurs une résidence secondaire. Le «plus beau pays du monde», comme le veut la publicité de l’Office marocain du tourisme, devient ainsi un lieu de rendez-vous culte pour la classe politique française, où la délocalisation d’un Conseil des ministres serait presque envisageable durant les fêtes de fin d’année. La Mamounia est la carte maîtresse de cette politique de séduction du Makhzen, le pouvoir féodal marocain. Tous y sont reçus avec les attentions particulières que sait déployer le Maroc pour ses hôtes de marque. Les invitations spéciales sont l’atout maître de l’arsenal diplomatique du royaume chérifien pour séduire les politiques français. La pratique est érigée en politique d’Etat.

    Quoique l’on dise, quoique l’on fasse, le collier de la reine à Tzipi Livni constitue une faute politique impardonnable, qui fera tache; une tache que rien ne saurait gommer de la mémoire des peuples en lutte ce qu’elle sera éternellement ressentie comme une prime à une belliciste impunie qui compte à son actif deux guerres, l’une, en 2006 contre le Liban, l’autre, en 2007-2008 contre Gaza.

    Avec l'Etat policé, le Maroc est aussi un état policier et son parc hôtelier, comme il se doit de l’être, est sonorisé et scanné, témoin muet des galipettes des uns, des roucoulades des unes, des valses hésitations des uns et des autres, de leurs chapardages et de leurs chuchotements, qui fait dire à un diplomate français que «la France est captive de la diplomatie marocaine», tout comme le monarchie marocaine est tributaire de sa survie de son allégeance israélienne.
    ça vaut tous les dicours.pour voir la realite au royaume pourri

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