(D'Alger) Et maintenant une télé et une radio pour
les anciens moudjahidine algériens. L'Organisation nationale des
moudjahidine (ONM) compte lancer une chaîne de télévision et une radio
dédiées à l'histoire de la guerre d'Algérie.
Véritable Etat dans l'Etat, la famille révolutionnaire qui compte
plusieurs organisations est souvent accusée de faire de la guerre de
libération nationale un lucratif fonds de commerce.
Said Abadou, secrétaire général de cette puissante organisation, a précisé :
« Ces deux chaînes s'intéresseront, dans leurs programmes, à tous les sujets en rapport avec la guerre de libération nationale et ceux ayant trait au mouvement national.
Les jeunes Algériens ont besoin de connaître l'histoire de leur pays. Les nouvelles générations sont souvent portées sur la critique car elles ignorent beaucoup de choses des événements ayant émaillé le combat libérateur du peuple algérien ».
L'annonce de ce projet intervient après la décision en septembre du
gouvernement algérien d'ouvrir le secteur de l'audiovisuel, jusqu'à
présent monopole de l'Etat, à la concurrence privée.
Les nombreux privilèges des moudjahidine
Ministre des moudjahidine entre 1994 et 1999, Saïd Abadou a été porté
à la tête de l'ONM en février 2005. Elu député de Biskra, dans le sud
algérien, il est membre du RND (Rassemblement national démocratique) du
Premier ministre Ahmed Ouyahia.
La famille révolutionnaire qui comprend les anciens maquisards, leurs
enfants ainsi que les descendances des chouhada (martyrs) est un
véritable Etat dans l'Etat.
Au sein de cette famille figure une myriade d'associations telles que :
- l'Organisation nationale des enfants de chouhada (ONEC),
- la Coordination nationale des enfants de chouhada (CNEC),
- l'Organisation nationale des enfants des moudjahidine (Onem),
- l'ONM.
En raison des sacrifices consentis durant la guerre de
libération ainsi qu'en raison du caractère sacré de la révolution, cette
caste bénéficie de nombreux avantages et privilèges (pensions, priorité
à l'emploi, crédits, licences de taxis et de débits de boissons…)
octroyés par l'Etat algérien depuis l'indépendance.
20 000 faux moudjahidine ?
Toutefois, l'accumulation de ces privilèges conduit de plus en plus
les Algériens à pourfendre cette famille en l'accusant de faire de la
révolution un fonds de commerce.
Certains accusent les moudjahidine, y compris des personnalités
connues, d'avoir falsifié des documents pour obtenir une reconnaissance
du statut de maquisard. D'où l'appellation « faux moudjahidine » dont le nombre serait de 20 000.
L'opinion raille également les chiffres officiels concernant les
anciens combattants. Alors que celui était de 6 000 en juillet 1962, ils
sont aujourd'hui plus d'un million à bénéficier d'une carte de
moudjahid.
Le ministère des moudjahidine bénéficie chaque année de l'un des plus
importants budgets alloués par l'Etat aux institutions. La loi de
finances 2012 a accordé un budget de 191,6 milliards (2 milliards
d'euros) à ce ministère contre 186 milliards (1,8 milliard d'euros) pour
le département du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale.
Près de cinquante ans après l'indépendance, l'histoire de la
révolution reste encore un sujet tabou en Algérie. Certains épisodes
sombres de la guerre – le massacre de Melouza en 1957, l'assassinat au
Maroc de Abane Ramdane par ses amis du FLN en décembre 1957 ou les
liquidations massives des harkis durant l'été 1962 – demeurent encore
drapés du voile du silence.
Les manuels scolaires expurgés
Dans les manuels scolaires exclusivement rédigés en arabe, la
révolution est présentée comme un condensé d'histoires héroïques, de
légendes et de stéréotypes qui occultent largement les faits.
C'est d'autant plus vrai que des millions d'Algériens ne connaissent
aujourd'hui des martyrs que leurs noms donnés aux rues, aux écoles, aux
stades et aux institutions.
« En Algérie comme ailleurs, les manuels scolaires restent des outils
essentiels pour forger, fabriquer les mythologies nationales à partir
de récits historiques produits par la volonté des Etats », écrivait
ainsi en 2005 l'historien Benjamin Stora.
La télé et la radio que compte lancer l'ONM sauront-elles enfin
réconcilier les Algériens avec leur Histoire ? A voir et à entendre.
Rue 89 via Dna
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