samedi 29 octobre 2011

Libye : les masques tombent, les warlords apparaissent

La mort de Kadhafi dévoile les réelles positions du CNT, la forte islamisation du pays, les intentions du Qatar et met fin aux espoirs d'une démocratie à l'occidentale.
Le dimanche 23 octobre, Mustapha Abdel Jalil, président du Conseil National de transition libyen a déclaré devant plusieurs milliers de personne à Benghazi, capitale de la Cyrénaïque, là d’où est parti le mouvement de protestation qui a fini par renverser le colonel Kadhafi, avec l’aide de l’Otan :
« En tant que nation musulmane, nous allons adopter la charia islamique, comme source de droit, donc, n’importe quelle loi contredisant  les principes de l’Islam sera légalement nulle ».
Cette déclaration met fin aux espoirs de tous les naïfs droit-de-l’hommistes qui voyaient déjà la Libye passer de la Jamahiriya du colonel Kadhafi à une belle démocratie à l’occidentale. En la faisant, Mustapha Abdel Jalil tente de sauver le CNT avant qu’il ne soit balayé par les nouveaux « warlords » qui contrôlent aujourd’hui la Libye. En effet, le CNT  à qui ont fait confiance, aveuglément, certains  pays occidentaux, dont  la France, est une union boiteuse entre anciens affidés de Kadhafi, des inconnus de la société civile et des islamistes.

On oublie que Mustapha Abdul Jalil a été le ministre de la Défense de Kadhafi  et qu’il a requis deux fois la peine de mort contre les infirmières bulgares parfaitement innocentes. Cela fait un peu désordre pour le représentant officiel de la nouvelle Libye.
En plus le CNT de dispose d’aucun pouvoir. Il n’a ni service de renseignement, ni forces armées. Les hommes armés, les thuwars, qui tiennent la Libye, appartiennent à plus de 40 Katibas, dont presque aucune ne reconnait l’autorité du CNT. Chaque ville importante a la sienne : Misrata, Zentan, le djebel Nafoussa, Tripoli.
En plus, les plus importantes sont islamistes. Par exemple celle d’Abdelhakim Belhadj, auto-proclamé "gouverneur militaire de Tripoli" à la tête d’une petite armée.
La façon dont il a pris le pouvoir de la ville est révélatrice. Il a convoqué la chaîne qatarie Al Jazirah et a annoncé qu’il prenait le pouvoir. Sans avoir averti le CNT. Lorsque celui-ci a protesté, Abdelhakim Belhadj a fait la sourde oreille et tient toujours Tripoli. Avec le soutien silencieux et efficace du Qatar.
On a sous-estimé le rôle de ce petit émirat richissime. Les Américains ont cru qu’il voulait les aider, en donnant une caution musulmane à l’action de l’Otan. En réalité, le Qatar a joué son jeu : aider à établir un état islamique en Libye. En goinfrant d’armes et d’argent les Katibas les plus islamistes.Comme celle de Belhaj ou celle d’Ismael Salabi , ou la Katiba des Martyrs d’Abu Salim, dirigée par Abu Sofiane Qumu, un ancien de Guantanamo.
Le plus virulent est surement Abu Bukatalla, chef de la Katiba Obaida Ibn Jarrah, un Takfiri, soupçonné d’avoir assassiné le 27 juillet le général Abdul Younes mis en place par le CNT pour tenter d’unifier les Katibas sous sa houlette.
Aujourd’hui, le général Younes est mort et les Katibas se regardent en chiens de faïence, les mieux armés étant les islamistes. Il y a, surtout, des dizaines de milliers d’armes en circulation, tous les dépôts d’armes ayant été pillés. Certes, les thuwars ont gaspillé beaucoup de munitions pour manifester leur joie, mais il en reste encore.
Tout cela était prévisible. Lorsque Nicolas Sarkozy est venu à Benghazi en septembre, il a été accueilli aux cris de «Allah ou Akbar ». Ce n’était pas de la provocation, simplement l’expression du  sentiment populaire libyen. La seule loi valable doit venir de Dieu. Le mot démocratie n’existe même pas.
On a peint l’avenir de Libye en rose. Il risque d’être vert.


Auteur:Gérard de Villiers est un journaliste, écrivain et éditeur français, célèbre pour ses romans d'espionnage S.A.S, traduits en plusieurs langues.

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