Six millions et demi d'analphabètes en Algérie, soit 20% de
la population, dans un pays qui prétend avoir fait de la scolarité, et donc de
l'éducation, sa préoccupation majeure… On a peine à le croire. Mais si on ne
devait compter que la population adulte, hors les enfants de moins de six ans
par exemple, ce taux effarant atteindrait des proportions dramatiques par
rapport à la population considérée. Autant dire que nous avons un peuple moitié
analphabète, grâce à un système qui, pourtant - comble de la perversion - se
glorifie d'avoir fait dans la quantité au détriment de la qualité. Traduction :
la moitié de la population algérienne, censée être alphabétisée, ne l'est pas
réellement. Telle est la triste vérité d'un pays qui a décimé son élite, sous
prétexte d'arabisation, et qui a plongé le reste dans l'ignorance. Lorsque
l'existence d'un seul analphabète émeut dans certaines contrées, nous en
comptons par millions - une demi-douzaine officiellement. Cela fait pourtant
une cinquantaine d'années que nous sommes indépendants. Que nous avons proclamé
le combat permanent contre les séquelles du colonialisme, dont l'ignorance
constituait l'illustration la plus insupportable. Que nous avons eu assez de
pétrole pour faire les expériences les plus fantaisistes et les plus
malheureuses. Et que nous répétons à tout va, avec une fierté mal placée, que
si nous avons échoué sur tout, au moins
la scolarisation a été massive et totale. Lorsque dans les années
quatre-vingt-dix, les statistiques avaient donné un taux de 43% d'analphabètes,
nous les avions cru fausses parce que relevant du calcul politicien. Mais que
dire aujourd'hui ? Sinon notre amertume. En cinquante années d'indépendance, la
scolarité pour tous, les budgets colossaux consacrés au secteur et détournés
par la bureaucratie tentaculaire, ainsi que les multiples réformes n'ont rien
fait de mieux que de produire des millions d'analphabètes… Notre amertume et
aussi notre incompréhension. Comment se fait-il ? Serait-ce la femme, la fille,
qui aurait été absente durablement de l'école gratuite et obligatoire ? Sans
doute, car la mixité a été longtemps inexistante, justifiant ainsi une
scolarisation à deux vitesses si on peut dire - les écoles étaient en fait
réservées aux seuls garçons. C'est ce qui explique que les campagnes
d'alphabétisation s'adressent prioritairement aux femmes. Aujourd'hui, les choses
semblent avoir changé mais le mal est fait. L'éducation, paramètre axial du
développement, que nous croyions notre point fort, s'est révélée être notre
point faible. Sans instruction d'une part, mal formés d’autre part, les
Algériens ne sont pas loin de donner à autrui l'exemple - le plus mauvais qui
soit.
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