Le président avait annoncé le retour au plein emploi avant la fin de son quinquennat. Pourtant, le nombre de chômeurs vient d'atteindre son niveau le plus élevé depuis 1999. En partenariat avec Débats2012, le site de Terra Nova.
Depuis 2007, le bilan du gouvernement en matière d’emploi est très
négatif : malgré les effets d’annonce, le taux de chômage devrait
dépasser la barre des 10% cette année selon les dernières prévisions de
l’Insee. Et les turbulences économiques sont loin d’être les seules
responsables. Les choix politiques de Nicolas Sarkozy ces cinq dernières
années n’ont pas permis d’améliorer la situation et l’ont même,
parfois, aggravée.
Le dernier gouvernement de gauche avait ramené le taux de chômage de
plus de 10 à 7,8 % de la population active. Mais il est fortement
reparti à la hausse depuis 2002, à 9,1% de la population active au
deuxième trimestre 2011. Malgré la multiplication des effets d’annonce,
la droite a échoué à faire redescendre le taux de chômage sous la barre
des 9%.
Nicolas Sarkozy avait annoncé le retour au plein emploi avant la fin
de son quinquennat. Un optimisme lié à une brève période d’embellie sur
le front de l’emploi et à une confiance aveugle dans une amélioration
mécanique liée aux départs à la retraite massifs des baby-boomers.
Recordman de la hausse
Nicolas Sarkozy restera finalement le recordman de la hausse la plus
brutale du taux de chômage depuis trente ans avec une augmentation de
2,1 points en 2 ans. La spectaculaire remontée du chômage de longue
durée depuis 2008 est aussi à mettre à son actif. Le nombre de chômeurs
de longue durée a augmenté de 500.000 en 2 ans et a atteint des niveaux
proches de ceux que la gauche avait trouvés en arrivant au pouvoir en
1997.
Cet échec quantitatif se double d’un échec qualitatif avec le
développement de la précarité, notamment des temps partiels subis. Leur
nombre a augmenté de plus de 200.000 depuis mi 2008.
Depuis trois, le gouvernement a justifié ce bilan par un message
simple : "la situation est difficile mais nous résistons mieux que nos
voisins". La réalité est toute autre. Avec 6% de chômage en mai 2011,
l’Allemagne a atteint un plus bas historique depuis plus de 20 ans. Si
le Royaume-Uni a bien connu une hausse du chômage depuis 2008, son taux
reste bien en deçà du nôtre à environ 8%, tout comme celui de l’Italie
ou des Pays Bas.
Le gouvernement a également utilisé tous les outils possibles pour
faire baisser les chiffres du chômage de manière artificielle, notamment
via les radiations administratives. Alors que durant les 5 années de
gauche plurielle, les radiations administratives s’élevaient en moyenne à
environ 18.500 par mois, elles ont atteint un niveau mensuel moyen de
près de 43.000 de juin 2002 à mai 2007 selon les chiffres de la DARES
(Direction de l’animation de la recherche, des études et des
statistiques du ministère de l’emploi).
La transition entre la droite et la gauche a été brutale puisque sur
la dernière année de gouvernement Jospin le nombre de radiations
administratives mensuelles avait été proche de 27.000 contre près de
40.000 pour la première année de gouvernement Raffarin, soit une hausse
d’environ 50% en un an. Mais là encore, Nicolas Sarkozy détient un
record avec un niveau annuel de radiations qui a grimpé jusqu’à 45.000
par mois depuis 2007.
Baisse des moyens
Ce bilan négatif s’explique d’abord par une baisse des moyens
accordés aux politiques de l’emploi et un manque de constance politique.
De 2002 à 2012, le budget de l’Etat en matière d’emploi est passé de
16,8 à 10,2 milliards d’euros, soit une baisse de 40%. Le taux de
chômage, de son côté, a augmenté sur la période de plus de 1,3 point.
Le budget de l’Etat consacré à la lutte contre le chômage n’a fait
que diminuer depuis 2002, à l’exception de la loi de finances de 2010
marquée par le plan de relance. Depuis, la baisse s’est accélérée en
dépit de la hausse continue du chômage depuis 2008 : -10,5% entre 2010
et 2011 et -11,3% entre 2011 et 2012.
Sur la nature des dépenses engagées, le gouvernement a privilégié la
création d’exonérations de cotisations sociales, pour les entreprises,
comme sur les heures supplémentaires, mais sans réelle contrepartie avec
des effets d’aubaine significatifs et coûteux.
Contrats aidés
La politique de l’emploi a aussi manqué de constance depuis 2007,
comme en témoignent les hésitations sur les contrats aidées. La droite a
fustigé ce type de contrats pendant les campagnes électorales pour leur
supposée inefficacité. Leur nombre a donc significativement baissé, en
particulier en 2007 et 2008. Mais le gouvernement a retrouvé des vertus
aux contrats aidés quand il a voulu faire diminuer les chiffres du
chômage en temps de crise. Il est ainsi revenu en arrière dès 2009 mais
sans prendre la mesure des besoins avec 360.000 contrats aidés contre
500.000 au début des années 2000. Il n’a pas non plus clairement modifié
son discours, créant une incompréhension profonde dans l’esprit des
Français.
Et alors qu’il prônait une politique de l’emploi active fondée sur la
relance de la croissance, Nicolas Sarkozy a surtout eu recours à des
mesures défensives, comme le chômage partiel. Si cette stratégie a
permis de sauver des emplois, elle ne peut pas tenir lieu de politique
de l’emploi. En outre, contrairement à l’Allemagne, le système mis en
place en France a été incapable d’inciter les entreprises à adjoindre à
ses périodes de chômage partiel des actions de formation et de
qualification, malgré la création en 2009 du dispositif sur l’activité
partielle de longue durée (APLD).
Heures supplémentaires défiscalisées
Ce bilan négatif s’explique aussi par des mesures pour l’emploi en
décalage avec la réalité conjoncturelle. Dès le début du quinquennat, le
gouvernement a mis en place diverses exonérations fiscales et sociales
en contrepartie de la réalisation d’heures supplémentaires,
complémentaires de la renonciation à des jours de congés, ou de la
monétisation de droits à congés stockés sur des comptes épargne-temps
(CET).
Mais ce dispositif s’est soldé par un échec quantitatif et
qualitatif, car à rebours des aspirations des Français et de la
conjoncture économique.
En ce qui concerne les heures supplémentaires défiscalisées, mises en
place par la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir
d’achat (Tepa) de 2007, les prévisions gouvernementales prévoyaient un
coût de la mesure de 5,5 milliards d’euros dès 2008. Le dispositif a été
beaucoup moins attrayant que prévu. Pour la première année de mise en
œuvre, le bilan de l’Acoss a fait état d’un nombre moyen de 3,3 heures
supplémentaires par salarié et par mois. Les 18 millions de salariés du
secteur privé se sont partagés cette année là 2,3 milliards d’euros
d’exonérations, soit 10,6 euros par mois.
En période de crise, l’effet de cette mesure sur l’emploi a en outre
été néfaste. Les employeurs ont pu être tentés de recourir aux heures
supplémentaires plutôt que d’embaucher. L’impact sur les formes d’emploi
les plus soumises aux variations conjoncturelles, comme l’intérim,
semble important.
Dans une enquête téléphonique menée par la Dares (Direction de
l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère
de l’emploi), 52% des entreprises déclarant avoir accru leur recours
aux heures supplémentaires dans l’année suivant l’entrée en vigueur de
la loi Tepa, donnaient ainsi comme l’une de leurs justifications une
préférence pour ce dispositif plutôt qu’un recours à l’intérim. Par
ailleurs, 44% des entreprises déclarant avoir accru leur recours aux
heures supplémentaires entre septembre 2007 et octobre 2008,
reconnaissaient avoir préféré faire plus d’heures supplémentaires et
baisser leurs recrutements.
A contrario, l’INSEE a constaté sur la période 1998-2002 que 350.000
emplois avaient été créés grâce à la loi sur les 35 heures et que les
dispositifs associés à la réduction du temps de travail (RTT, comptes
épargne-temps) avaient joué un rôle d’amortisseur important durant la
crise. Ces leviers de flexibilité ont été souvent privilégiés par les
entreprises pour éviter les licenciements.
Indemnisation des chômeurs
Autre mesure à rebours du contexte économique : le durcissement des
conditions d’indemnisation des chômeurs au moment même où les ruptures
de contrat se sont accrues et les créations d’emploi réduites.
La loi du 1er août 2008 a ainsi mis en place un système de sanction
renforcée pour les demandeurs d’emploi, fondé sur la consécration des
"offres raisonnables d’emploi" dont le refus à deux reprises entraîne
automatiquement radiation. Un dispositif qui a contribué à stigmatiser
un peu plus les personnes en difficulté.
> À lire aussi sur Débats2012, le site de Terra Nova pour suivre le débat de la présidentielle:
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire