lundi 12 décembre 2011

Pas de lutte anti-corruption sans liberté de presse


«Le président de l'Organe national de prévention  et de lutte contre la corruption, M. Brahim Bouzeboudjen a fait part, vendredi à Alger, de l'intention de l'organe d'effectuer une évaluation globale de la corruption en Algérie, en vue de l'élaboration d'une cartographie dans ce domaine», rapporte une dépêche. Ainsi, lutter contre la corruption serait, chez nous, d'abord faire des «évaluations» et établir des «cartographies».   Ce qui, à la limite, va de soi, comme une vulgaire étape d'une démarche globale, une étape administrative, un vulgaire travail bureaucratique dont la nécessité est interne audit organe en question, devient une fin en soi. Vous verrez, l'Algérie aura bientôt -c'est-à-dire dans quelques années si Dieu veut- des graphies, des statistiques et de volumineuses études sur la genèse de la corruption, son éthymologie, sa sociologie, son impact économique, ses ramifications planétaires, sa diversité multiforme, ainsi de suite. Tout cela agrémenté par des extraits de discours politiques pourfendant vaillamment ce fléau et quelques versets coraniques illustrant le bien fondé de notre droite religion qui a condamné avant l'heure une pratique si immorale, et une condamnation unanime par des citoyens patriotes, des cheikhs de zaouia et des militants de partis ou d'associations bien nommées, de ce phénomène décidément étranger à nos valeurs arabo-islamiques et à nos coutumes ancestrales, fussent-elles berbères. Les plus audacieux de nos bureaucrates recommanderont entre les lignes, de «réactiver» le rôle de la mosquée dans le combat en question, Ghlamallah à l'appui. Et, avec un peu de chance, les études seront publiées aux frais d'un ministère ou d'un autre, dans un ouvrage confidentiel de plusieurs tombes qui circulera entre les bureaux. Certes, avant d'entreprendre quoi que ce soit, la réalisation d'une autoroute ou l'érection d'une simple usine, il faut bien évaluer -et même cartographier pourquoi pas ? Mais cela est technique et ne concerne que les acteurs engagés dans le projet. Il n'y a pas de quoi en faire un plat. L'opinion attend des passages à l'acte plutôt que des analyses théoriques. Dans n'importe quel pays, on vous dira que sans une presse plutôt libre, le combat contre la corruption est voué à l'échec. Or, sous prétexte que la presse peut déraper contre d'innocents citoyens, on s'attache à la surveiller et à limiter sa liberté. Mais comment voulez-vous que la presse dénonce la corruption, ou toute autre malversation, sans jamais déraper ? Comment parler même de la liberté, condition sine qua non pour que les organes anti-corruption puissent prétendre à l'efficacité, dans un pays où il est dit que le journaliste doit être sage et mesuré dans ses propos ?

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