«Le président de l'Organe national de prévention et de lutte contre la corruption, M. Brahim
Bouzeboudjen a fait part, vendredi à Alger, de l'intention de l'organe
d'effectuer une évaluation globale de la corruption en Algérie, en vue de
l'élaboration d'une cartographie dans ce domaine», rapporte une dépêche. Ainsi,
lutter contre la corruption serait, chez nous, d'abord faire des «évaluations»
et établir des «cartographies». Ce qui,
à la limite, va de soi, comme une vulgaire étape d'une démarche globale, une
étape administrative, un vulgaire travail bureaucratique dont la nécessité est
interne audit organe en question, devient une fin en soi. Vous verrez,
l'Algérie aura bientôt -c'est-à-dire dans quelques années si Dieu veut- des
graphies, des statistiques et de volumineuses études sur la genèse de la
corruption, son éthymologie, sa sociologie, son impact économique, ses
ramifications planétaires, sa diversité multiforme, ainsi de suite. Tout cela
agrémenté par des extraits de discours politiques pourfendant vaillamment ce
fléau et quelques versets coraniques illustrant le bien fondé de notre droite
religion qui a condamné avant l'heure une pratique si immorale, et une
condamnation unanime par des citoyens patriotes, des cheikhs de zaouia et des
militants de partis ou d'associations bien nommées, de ce phénomène décidément
étranger à nos valeurs arabo-islamiques et à nos coutumes ancestrales,
fussent-elles berbères. Les plus audacieux de nos bureaucrates recommanderont
entre les lignes, de «réactiver» le rôle de la mosquée dans le combat en
question, Ghlamallah à l'appui. Et, avec un peu de chance, les études seront
publiées aux frais d'un ministère ou d'un autre, dans un ouvrage confidentiel
de plusieurs tombes qui circulera entre les bureaux. Certes, avant d'entreprendre
quoi que ce soit, la réalisation d'une autoroute ou l'érection d'une simple
usine, il faut bien évaluer -et même cartographier pourquoi pas ? Mais cela est
technique et ne concerne que les acteurs engagés dans le projet. Il n'y a pas
de quoi en faire un plat. L'opinion attend des passages à l'acte plutôt que des
analyses théoriques. Dans n'importe quel pays, on vous dira que sans une presse
plutôt libre, le combat contre la corruption est voué à l'échec. Or, sous
prétexte que la presse peut déraper contre d'innocents citoyens, on s'attache à
la surveiller et à limiter sa liberté. Mais comment voulez-vous que la presse
dénonce la corruption, ou toute autre malversation, sans jamais déraper ?
Comment parler même de la liberté, condition sine qua non pour que les organes
anti-corruption puissent prétendre à l'efficacité, dans un pays où il est dit
que le journaliste doit être sage et mesuré dans ses propos ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire