Le président français Nicolas Sarkozy a précisé vendredi qu'il souhaitait que la Turquie reconnaisse dans un délai "assez bref", avant la fin de son mandat en mai 2012, le "génocide" arménien de 1915, au deuxième jour de sa visite d'Etat en Arménie.
"Il ne revient pas à la France de poser un ultimatum à qui que ce
soit, ce n'est pas une façon de faire (...) mais enfin à travers les
lignes vous pouvez comprendre que le temps n'est pas infini, 1915-2011,
il me semble que pour la réflexion c'est suffisant", a expliqué Nicolas Sarkozy lors d'une conférence de presse avec son homologue arménien Serge Sarkissian.
Depuis jeudi, le chef de l'Etat a invité à plusieurs reprises la Turquie à "revisiter son histoire"
et à reconnaître les massacres ottomans perpétrés en 1915 et 1916 en
Turquie, qui ont fait plusieurs centaines de milliers de morts, comme un
génocide, ainsi que la France l'a fait en 2001.
Nicolas Sarkozy a confirmé que, si la Turquie ne faisait pas ce "geste de paix", ce "pas vers la réconciliation", il envisagerait de proposer l'adoption d'un texte de loi réprimant spécifiquement la négation du génocide arménien.
Cette "réaction de la France se ferait connaître dans un délai
assez bref. Si je ne le précise pas, c'est que j'espère toujours dans
les réactions" turques "qui en tout état de cause englobe la durée de mon mandat".
Avant son élection en 2007, le candidat Sarkozy avait promis aux
représentants de la forte communauté arménienne de France, estimée à un
demi-million de personnes, de soutenir le vote d'un texte de loi
spécifique réprimant la négation du "génocide" de 1915.
Mais ce texte a été enterré en mai faute d'une majorité au Sénat
(chambre haute) et surtout du soutien du gouvernement de Nicolas
Sarkozy, suscitant l'amertume des Arméniens de France et de leurs
partisans. Une élection présidentielle est prévue en France en
avril-mai.
La Turquie reconnaît que de 300000 à 500000 personnes ont péri lors
de cette période, mais, selon elle, elles n'ont pas été victimes d'une
campagne d'extermination mais du chaos des dernières années de l'Empire
ottoman.
Pour les Arméniens, il s'agit d'un "génocide" qui a fait plus d'un million et demi de morts.
Outre ce dossier sensible, Nicolas Sarkozy a également appelé l'Arménie à faire la "paix" et à la "réconciliation" avec l'Azerbaïdjan voisin sur le Nagorny Karabakh, territoire séparatiste azerbaïdjanais peuplé en majorité d'Arméniens.
Dix-sept soldats ont été tués depuis le début de l'année autour du
Nagorny Karabakh, république autoproclamée depuis une guerre dans les
années 1990 qui a fait 30000 morts et perdue par l'Azerbaïdjan.
Le président arménien Serge Sarkissian a remercié son homologue français pour ses efforts en vue d'une "paix durable".
Le président français a promis de répéter son message de "réconciliation" à son homologue azerbaïdjanais Ilham Aliev, vendredi matin à Bakou.
Et c'est avec la même casquette de "faiseur de paix" que
Nicolas Sarkozy doit conclure son périple vendredi après-midi à
Tbilissi, trois ans après avoir négocié un cessez-le-feu controversé
entre la Russie et la Géorgie.
Cet accord suscite aujourd'hui le mécontentement des Géorgiens, qui jugent que les Russes ne l'ont pas appliqué.
Sarkozy devrait cesser de jouer les historiens selon le ministre turc
Le président français Nicolas Sarkozy ferait mieux de s'occuper des
problèmes des Français plutôt que de jouer les historiens sur la
question du génocide arménien, a estimé vendredi le ministre turc aux
Affaires européennes Egemen Bagis, réagissant à des déclarations de
Nicolas Sarkozy.
"Il serait mieux, pour la sérénité en France, en Europe et dans
le monde que M. Sarkozy abandonne le rôle de l'historien et se creuse un
peu la tête pour sortir son pays du gouffre économique dans lequel il
se trouve et produise des projets pour l'avenir de l'Union européenne", a déclaré Egemen Bagis, cité par l'agence de presse Anatolie, lors d'une visite à Sarajevo.
"Notre mission, en tant qu'hommes politiques, n'est pas de
définir le passé ou les événements du passé. C'est de définir l'avenir", a insisté le ministre, avant d'accuser le président français d'"exploitation à l'approche de l'élection" présidentielle française, de la thématique arménienne.
"Sarkozy a probablement adopté ce type d'approche après avoir été effrayé par les derniers sondages politiques en France", a-t-il commenté.
Le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu a lui aussi dénoncé "l'opportunisme politique" de "propos qui s'inscrivent totalement dans le contexte électoral en France".
"Ceux qui disent à la Turquie de se réconcilier avec son passé doivent d'abord se regarder dans un miroir", a-t-il asséné, faisant référence au passé colonial de la France.
Présent à Ankara vendredi pour la signature d'un accord de
coopération sécuritaire, le ministre français de l'Intérieur Claude
Guéant a répondu aux questions de journalistes en les appelant à ne pas
surinterpréter les propos de son président.
"Il convient de s'en tenir strictement aux propos du président de la République sans les interpréter", a dit Claude Guéant, affirmant que Nicolas Sarkozy "n'a pas évoqué de délai" pour qu'Ankara reconnaisse le "génocide" arménien.
Interrogé sur le point de savoir comment réagirait la France si la Turquie décidait de reconnaître "le génocide des Algériens", Claude Guéant à répondu: "Le
président de la République française est allé en Algérie, il a eu des
propos extrêmement forts sur ce moment douloureux de notre passé entre
l'Algérie et la France. Il a tourné la page".
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