samedi 15 octobre 2011

L'impossible repos des Algériens


Un demi-siècle plus tard, la guerre d'Algérie fait encore mal.

Dernier week-end pour aller voir l’exposition sur les relations entre le Maroc et l’Europe depuis six siècles! Monique ne veut pas laisser filer l'occasion de se replonger dans l'histoire du Maroc, un pays «accueillant» qu’elle connait bien. Devant une carte du royaume chérifien, Monique se rappelle ses différentes excursions, accompagnées de sa fille et de son gendre. Attendrie, elle se remémore ses escapades dans le rif marocain, et me montre du doigt les villages qu'elle a visitée.
Mais l’Algérie, «c’est différent», ajoute Monique, d'une voix plus grave. «Mon mari a fait la guerre là-bas. Vous savez, on y a fait des choses. Mon époux me dit souvent qu’il obéissait seulement aux ordres et, encore aujourd’hui il me révèle des choses douloureuses»
Monique a tout dit…Ou presque. Il est toujours difficile de parler de la guerre d’Algérie, d’autant plus lorsque ses acteurs sont là, avec leurs mémoires du conflit. Beaucoup de Français et d’Algériens ont été embarqués dans une guerre, dont ils peinent encore à parler, par honte, amnésie volontaire ou déni.

L’an 1961, une ténébreuse affaire

Pourtant d’Alger à Paris, les mémoires sont vivaces, ce qui complique forcément la tâche de l’historien, en proie aux souvenirs de chaque corps engagé dans le conflit. Ce ne sont pas les prochaines commémorations qui viendront contredire mes propos. Les Algériens et les Français fêteront lundi 17 octobre un triste anniversaire, celui de la nuit du 17 octobre 1961, où une manifestation avait été durement réprimée par les autorités françaises. Rappelons les faits, qui ne font pas consensus.
Au soir du 17 octobre 1961, des milliers d’Algériens descendent dans les rues de Paris pour protester contre le couvre-feu mis en place par le préfet de l’époque, Maurice Papon. Sept ans que la guerre d’Algérie sévit, sans que les demandes d’autodétermination exprimées par les Algériens ne soient véritablement entendues par la France de l’époque. Ce soir d’automne 1961 compte parmi les épisodes tragiques des «évènements d’Algérie». Durant quelques heures, le conflit algérien et sa brutalité sans nom s’exportent à Paris, sur les quais de Seine. Les Algériens se voient traiter comme des ennemis notoires. Nombre d’entre-eux sont arrêtés. D'autres ne sont jamais rentrés chez eux. Des incertitudes planent  toujours sur le bilan de cette ténébreuse nuit. Combien d’Algériens sont morts noyés? Combien de manifestants ont été arrêtés? Des questions sans réponse, qui taraudent de nombreux Algériens et Français, qui aimeraient aujourd'hui trouver le repos.
«J’étais à Paris, il y a une semaine, et en passant devant la Seine, qui est pour les Parisiens la veine de leur ville et pour les touristes, une romantique balade en bateau-mouche, je n’ai pas pu m’empêcher de penser aux cadavres de centaines d’Algériens massacrés cette nuit du 17 octobre 1961», confie Mounir Boudjema, rédacteur en chef du quotidien algérien la Liberté.

Repens-toi Nicolas!

A l’aune des commémorations, se pose l’éternel casus belli entre la France et l’Algérie: la mémoire. Depuis quelques années, Alger et Paris se répondent pas discours interposé. «Repentance!» «Non à la repentance!»
Difficile, donc, pour les Algériens, d’entendre un président français donner des leçons aux Turques sur la reconnaissance du génocide arménien. «Que la France balaie déjà devant sa porte» nous déclarait un chibani, rencontré à quelques encablures de la place Clichy. Le directeur du quotidien d’Oran, Abdou Benabou, préfère prôner la concorde. «Commémorer  cet évènement, c’est commémorer l’histoire de deux peuples parce que cette date n’appartient pas uniquement aux Algériens mais également aux Français»

Et la jeunesse algérienne, elle en dit quoi?

Mais qui commémore cette date? La jeunesse algérienne se sent-elle concernée par un évènement, caché derrière la symbolique de la lutte et de la victoire? Par ailleurs, la libération a pris un autre sens cette année avec le départ d’Hosni Moubarak et de Ben Ali. En Algérie, la délivrance reviendrait à se défaire d’un carcan, celui orchestré par des apparatchiks qui ne se refusent rien dans la résidence des pins à Alger. A chaque génération, sa libération.

Nadéra Bouazza
slateafrique

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