Un demi-siècle plus tard, la guerre d'Algérie fait encore mal.
Dernier week-end pour aller voir l’exposition sur les relations
entre le Maroc et l’Europe depuis six siècles! Monique ne veut pas
laisser filer l'occasion de se replonger dans l'histoire du Maroc,
un pays «accueillant» qu’elle connait bien. Devant une carte du royaume
chérifien, Monique se rappelle ses différentes excursions, accompagnées
de sa fille et de son gendre. Attendrie, elle se remémore ses escapades
dans le rif marocain, et me montre du doigt les villages qu'elle a
visitée.
Mais l’Algérie,
«c’est différent», ajoute Monique, d'une voix plus grave. «Mon mari a
fait la guerre là-bas. Vous savez, on y a fait des choses. Mon époux me
dit souvent qu’il obéissait seulement aux ordres et, encore aujourd’hui
il me révèle des choses douloureuses»
Monique a tout dit…Ou
presque. Il est toujours difficile de parler de la guerre d’Algérie,
d’autant plus lorsque ses acteurs sont là, avec leurs mémoires du
conflit. Beaucoup de Français et d’Algériens ont été embarqués dans une
guerre, dont ils peinent encore à parler, par honte, amnésie volontaire
ou déni.
L’an 1961, une ténébreuse affaire
Pourtant d’Alger à Paris, les mémoires sont vivaces,
ce qui complique forcément la tâche de l’historien, en proie aux
souvenirs de chaque corps engagé dans le conflit. Ce ne sont pas les
prochaines commémorations qui viendront contredire mes propos. Les
Algériens et les Français fêteront lundi 17 octobre un triste
anniversaire, celui de la nuit du 17 octobre 1961, où une manifestation
avait été durement réprimée par les autorités françaises. Rappelons les
faits, qui ne font pas consensus.
Au soir du 17 octobre 1961, des
milliers d’Algériens descendent dans les rues de Paris pour protester
contre le couvre-feu mis en place par le préfet de l’époque, Maurice
Papon. Sept ans que la guerre d’Algérie sévit, sans que les demandes
d’autodétermination exprimées par les Algériens ne soient véritablement
entendues par la France de l’époque. Ce soir d’automne 1961 compte parmi
les épisodes tragiques des «évènements d’Algérie». Durant quelques
heures, le conflit algérien et sa brutalité sans nom s’exportent à
Paris, sur les quais de Seine. Les Algériens se voient traiter comme des
ennemis notoires. Nombre d’entre-eux sont arrêtés. D'autres ne sont
jamais rentrés chez eux. Des incertitudes planent toujours sur le bilan
de cette ténébreuse nuit. Combien d’Algériens sont morts noyés? Combien
de manifestants ont été arrêtés? Des questions sans réponse, qui
taraudent de nombreux Algériens et Français, qui aimeraient aujourd'hui
trouver le repos.
«J’étais à Paris, il y a une semaine, et en passant devant la Seine, qui est pour les Parisiens la veine de leur ville et pour les touristes, une romantique balade en bateau-mouche, je n’ai pas pu m’empêcher de penser aux cadavres de centaines d’Algériens massacrés cette nuit du 17 octobre 1961», confie Mounir Boudjema, rédacteur en chef du quotidien algérien la Liberté.
Repens-toi Nicolas!
A
l’aune des commémorations, se pose l’éternel casus belli entre la
France et l’Algérie: la mémoire. Depuis quelques années, Alger et Paris
se répondent pas discours interposé. «Repentance!» «Non à la
repentance!»
Difficile, donc, pour les Algériens, d’entendre un président français donner des leçons aux Turques sur la reconnaissance du génocide arménien. «Que la France balaie déjà devant sa porte»
nous déclarait un chibani, rencontré à quelques encablures de la place
Clichy. Le directeur du quotidien d’Oran, Abdou Benabou, préfère prôner
la concorde. «Commémorer cet évènement, c’est commémorer l’histoire
de deux peuples parce que cette date n’appartient pas uniquement aux
Algériens mais également aux Français»
Et la jeunesse algérienne, elle en dit quoi?
Mais
qui commémore cette date? La jeunesse algérienne se sent-elle concernée
par un évènement, caché derrière la symbolique de la lutte et de la
victoire? Par ailleurs, la libération a pris un autre sens
cette année avec le départ d’Hosni Moubarak et de Ben Ali. En Algérie,
la délivrance reviendrait à se défaire d’un carcan, celui orchestré par
des apparatchiks qui ne se refusent rien dans la résidence des pins à
Alger. A chaque génération, sa libération.
Nadéra Bouazza
slateafrique
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