Le candidat socialiste répond à Nicolas Sarkozy, qui s'est exprimé
à la télévision jeudi soir, dans une émission de pédagogie sur la crise
européenne.
Pensez-vous que, jeudi 27 octobre, "la zone euro a trouvé une solution à sa crise", comme l'a affirmé Nicolas Sarkozy ?
La zone euro a évité le pire, mais l'accord trouvé à Bruxelles est partiel et insuffisant. Partiel car il ne comporte aucun progrès dans la gouvernance économique de la zone euro. Insuffisant parce que le fonds de stabilité financière présente deux lacunes. La première est qu'il n'est pas adossé à la Banque centrale, ce qui était une revendication française que M. Sarkozy a abandonnée. La seconde est qu'il n'est pas doté de façon telle qu'il puisse protéger les pays les plus vulnérables contre d'autres secousses. Rien n'est réglé dans la durée.
M. Sarkozy n'est pas opposé à ce que la Chine contribue au sauvetage de la zone euro. Qu'en pensez-vous ?
Le contact que Nicolas Sarkozy a cru bon de prendre avec le président chinois, au lendemain de l'accord, en dit long sur la nouvelle dépendance de la zone euro. La Chine est désormais la maîtresse du jeu, de sorte que le sommet du G20 des 3 et 4 novembre, qui devait être le moment de vérité pour le yuan, va consacrer l'empire économique chinois.
Faut-il, comme l'a déclaré M. Sarkozy, davantage d'intégration dans la zone euro ?
Oui, à condition que cette intégration signifie une coordination des politiques économiques dans le sens de la croissance, une solidarité financière face à l'adversité et une politique volontariste en matière industrielle.
M. Sarkozy a expliqué que la Banque de France aurait un pouvoir de contrôle sur les banques recapitalisées. Cela doit vous satisfaire…
Jugeons M. Sarkozy sur pièces et non sur paroles. En 2009, lors du plan de sauvetage des banques, les prêts accordés par l'Etat n'ont été accompagnés d'aucune contrepartie, de sorte qu'en 2010 les rémunérations les plus hautes du secteur bancaire ont progressé de 45 %. Je ne vois pas pourquoi M. Sarkozy serait plus efficace aujourd'hui qu'hier.
La réduction des dépenses promue par Nicolas Sarkozy permettra-t-elle à la France de conserver son triple A ?
Notre triple A est sous surveillance. Tout dépendra des mesures prises d'ici la fin de l'année. Quoi qu'il en soit, si la note devait être dégradée, le président sortant en porterait la responsabilité.
La révision à 1 % du taux de croissance pour 2012 vous paraît-elle raisonnable ?
C'est encore trop optimiste compte tenu des plans d'austérité qui s'accumulent dans la zone euro. Or je ne vois nulle part la moindre politique de croissance : l'investissement public est en diminution, le soutien à l'investissement privé est insuffisant, et les retombées du grand emprunt sont cosmétiques.
M. Sarkozy a exclu toute hausse généralisée de la TVA. Êtes-vous d'accord ?
Je relève qu'il a laissé entendre qu'un taux intermédiaire pourrait être créé, ce qui introduirait une nouvelle complexité et une injustice supplémentaire dans un pays où 30 taxes nouvelles ont été instaurées depuis 2007. Cette fuite en avant fiscale tient davantage de l'improvisation qu'à une réforme sérieuse de nos prélèvements.
En matière de fiscalité, la France doit-elle se mettre au diapason de l'Allemagne, comme l'a suggéré le chef de l'Etat ?
Sur l'impôt sur les sociétés, oui : c'est d'ailleurs ce que je propose quand je dis qu'il faut moins imposer les PME et détaxer le bénéfice quand il est réinvesti et non redistribué aux actionnaires. En revanche, les structures de financement de la protection sociale sont très différentes, comme notre organisation territoriale. Et ce n'est pas la fiscalité qui explique que la France ait 75 milliards de déficit commercial en 2011 et l'Allemagne 150 milliards d'excédents. Ce n'est pas non plus à cause des 35 heures, mais à cause de l'abandon de toute politique industrielle depuis dix ans.
En adoptant la posture du capitaine qui tient la barre dans la tempête, M. Sarkozy vous a-t-il convaincu ?
Ce n'est qu'un habillage commode pour justifier un quinquennat raté. Nicolas Sarkozy ne protège pas les Français. En cinq ans, il les aura rendus plus vulnérables et plus dépendants, du fait de l'endettement public et de la dégradation de notre compétitivité. C'est lui qui, en 2007, est allé voir nos partenaires européens pour les avertir qu'il ne respecterait pas les engagements pris par son prédécesseur en matière de réduction des déficits. C'est lui qui a fait 75 milliards de cadeaux fiscaux qui ont dégradé les comptes publics. C'est lui qui a laissé filer 500 milliards d'euros de dette publique sur son quinquennat. Nicolas Sarkozy a peut-être une expérience, mais il n'échappera pas à son bilan.
Comment jugez vous les explications du Président qui, sur les affaires Clearstream, Bettencourt et Karachi, s'est posé en victime d'"intérêts politiciens" ?
Lesquels ? Clearstream vient de son propre camp. Dans l'affaire Bettencourt, c'est Nicolas Sarkozy lui-même qui a écarté Eric Woerth de son gouvernement. Quant aux révélations concernant Karachi, elles sont aujourd'hui le fait de la justice. Si Nicolas Sarkozy est une victime, c'est de lui-même.
M. Sarkozy a défendu le maintien à son poste de M. Squarcini, directeur central du renseignement intérieur, mis en examen le 17 octobre, en fustigeant la "présomption de culpabilité". Cet argument est-il recevable ?
J'ai cru comprendre que les policiers mis en examen à Lille et à Lyon avaient été suspendus alors que la procédure judiciaire n'est pas terminée. Pourquoi M. Squarcini, dans la même situation, est-il maintenu ? Je demande sa suspension. Il ne peut y avoir deux poids deux mesures.
Le Président tranchera sur sa candidature "fin janvier, début février" 2012. Calerez-vous votre campagne sur ce calendrier ?
Nicolas Sarkozy est candidat. Et en prétendant exclusivement faire son devoir de président, il prend de nouveau une grande liberté avec la sincérité. Pour ma part, je lancerai ma campagne début janvier. Tout doit être prêt d'ici là. Je travaille avec le PS pour que le meilleur dispositif soit arrêté avant la fin de l'année : les équipes, les thèmes, les chiffrages.
Vous sentez-vous visé quand le chef de l'Etat dénonce les "candidats du système" ?
Ce serait savoureux ! Si je suis le candidat d'un système, c'est celui de la démocratie, à travers les primaires. Pour ce qui concerne les relations avec les patrons du CAC 40, les propriétaires des grands médias et les milieux d'affaire, Nicolas Sarkozy dispose d'une avance que je ne lui contesterai jamais. C'est son monde. Pas le mien.
M. Sarkozy semble également décidé à vous attaquer sur les "erreurs" historiques de la gauche, notamment les 35 heures et la retraite à 60 ans de 1982. Que répliquez-vous ?
Pourquoi n'est-il pas remonté à 1936 avec les congés payés, ou même au début du XXe siècle avec la journée de huit heures et le repos dominical ! M. Sarkozy a la mémoire longue pour les autres, mais courte pour lui-même. De ses cadeaux fiscaux, de son aveuglement budgétaire, du creusement des inégalités, du laxisme en matière de hautes rémunérations, de l'impuissance face aux banques, de l'innocence face aux désordres commerciaux et de la dépendance à l'égard de la Chine, finalement, il n'est en rien responsable. Nous aurons face à nous un candidat sans mémoire. L'amnésie lui servira de viatique.
Pensez-vous que, jeudi 27 octobre, "la zone euro a trouvé une solution à sa crise", comme l'a affirmé Nicolas Sarkozy ?
La zone euro a évité le pire, mais l'accord trouvé à Bruxelles est partiel et insuffisant. Partiel car il ne comporte aucun progrès dans la gouvernance économique de la zone euro. Insuffisant parce que le fonds de stabilité financière présente deux lacunes. La première est qu'il n'est pas adossé à la Banque centrale, ce qui était une revendication française que M. Sarkozy a abandonnée. La seconde est qu'il n'est pas doté de façon telle qu'il puisse protéger les pays les plus vulnérables contre d'autres secousses. Rien n'est réglé dans la durée.
M. Sarkozy n'est pas opposé à ce que la Chine contribue au sauvetage de la zone euro. Qu'en pensez-vous ?
Le contact que Nicolas Sarkozy a cru bon de prendre avec le président chinois, au lendemain de l'accord, en dit long sur la nouvelle dépendance de la zone euro. La Chine est désormais la maîtresse du jeu, de sorte que le sommet du G20 des 3 et 4 novembre, qui devait être le moment de vérité pour le yuan, va consacrer l'empire économique chinois.
Faut-il, comme l'a déclaré M. Sarkozy, davantage d'intégration dans la zone euro ?
Oui, à condition que cette intégration signifie une coordination des politiques économiques dans le sens de la croissance, une solidarité financière face à l'adversité et une politique volontariste en matière industrielle.
M. Sarkozy a expliqué que la Banque de France aurait un pouvoir de contrôle sur les banques recapitalisées. Cela doit vous satisfaire…
Jugeons M. Sarkozy sur pièces et non sur paroles. En 2009, lors du plan de sauvetage des banques, les prêts accordés par l'Etat n'ont été accompagnés d'aucune contrepartie, de sorte qu'en 2010 les rémunérations les plus hautes du secteur bancaire ont progressé de 45 %. Je ne vois pas pourquoi M. Sarkozy serait plus efficace aujourd'hui qu'hier.
La réduction des dépenses promue par Nicolas Sarkozy permettra-t-elle à la France de conserver son triple A ?
Notre triple A est sous surveillance. Tout dépendra des mesures prises d'ici la fin de l'année. Quoi qu'il en soit, si la note devait être dégradée, le président sortant en porterait la responsabilité.
La révision à 1 % du taux de croissance pour 2012 vous paraît-elle raisonnable ?
C'est encore trop optimiste compte tenu des plans d'austérité qui s'accumulent dans la zone euro. Or je ne vois nulle part la moindre politique de croissance : l'investissement public est en diminution, le soutien à l'investissement privé est insuffisant, et les retombées du grand emprunt sont cosmétiques.
M. Sarkozy a exclu toute hausse généralisée de la TVA. Êtes-vous d'accord ?
Je relève qu'il a laissé entendre qu'un taux intermédiaire pourrait être créé, ce qui introduirait une nouvelle complexité et une injustice supplémentaire dans un pays où 30 taxes nouvelles ont été instaurées depuis 2007. Cette fuite en avant fiscale tient davantage de l'improvisation qu'à une réforme sérieuse de nos prélèvements.
En matière de fiscalité, la France doit-elle se mettre au diapason de l'Allemagne, comme l'a suggéré le chef de l'Etat ?
Sur l'impôt sur les sociétés, oui : c'est d'ailleurs ce que je propose quand je dis qu'il faut moins imposer les PME et détaxer le bénéfice quand il est réinvesti et non redistribué aux actionnaires. En revanche, les structures de financement de la protection sociale sont très différentes, comme notre organisation territoriale. Et ce n'est pas la fiscalité qui explique que la France ait 75 milliards de déficit commercial en 2011 et l'Allemagne 150 milliards d'excédents. Ce n'est pas non plus à cause des 35 heures, mais à cause de l'abandon de toute politique industrielle depuis dix ans.
En adoptant la posture du capitaine qui tient la barre dans la tempête, M. Sarkozy vous a-t-il convaincu ?
Ce n'est qu'un habillage commode pour justifier un quinquennat raté. Nicolas Sarkozy ne protège pas les Français. En cinq ans, il les aura rendus plus vulnérables et plus dépendants, du fait de l'endettement public et de la dégradation de notre compétitivité. C'est lui qui, en 2007, est allé voir nos partenaires européens pour les avertir qu'il ne respecterait pas les engagements pris par son prédécesseur en matière de réduction des déficits. C'est lui qui a fait 75 milliards de cadeaux fiscaux qui ont dégradé les comptes publics. C'est lui qui a laissé filer 500 milliards d'euros de dette publique sur son quinquennat. Nicolas Sarkozy a peut-être une expérience, mais il n'échappera pas à son bilan.
Comment jugez vous les explications du Président qui, sur les affaires Clearstream, Bettencourt et Karachi, s'est posé en victime d'"intérêts politiciens" ?
Lesquels ? Clearstream vient de son propre camp. Dans l'affaire Bettencourt, c'est Nicolas Sarkozy lui-même qui a écarté Eric Woerth de son gouvernement. Quant aux révélations concernant Karachi, elles sont aujourd'hui le fait de la justice. Si Nicolas Sarkozy est une victime, c'est de lui-même.
M. Sarkozy a défendu le maintien à son poste de M. Squarcini, directeur central du renseignement intérieur, mis en examen le 17 octobre, en fustigeant la "présomption de culpabilité". Cet argument est-il recevable ?
J'ai cru comprendre que les policiers mis en examen à Lille et à Lyon avaient été suspendus alors que la procédure judiciaire n'est pas terminée. Pourquoi M. Squarcini, dans la même situation, est-il maintenu ? Je demande sa suspension. Il ne peut y avoir deux poids deux mesures.
Le Président tranchera sur sa candidature "fin janvier, début février" 2012. Calerez-vous votre campagne sur ce calendrier ?
Nicolas Sarkozy est candidat. Et en prétendant exclusivement faire son devoir de président, il prend de nouveau une grande liberté avec la sincérité. Pour ma part, je lancerai ma campagne début janvier. Tout doit être prêt d'ici là. Je travaille avec le PS pour que le meilleur dispositif soit arrêté avant la fin de l'année : les équipes, les thèmes, les chiffrages.
Vous sentez-vous visé quand le chef de l'Etat dénonce les "candidats du système" ?
Ce serait savoureux ! Si je suis le candidat d'un système, c'est celui de la démocratie, à travers les primaires. Pour ce qui concerne les relations avec les patrons du CAC 40, les propriétaires des grands médias et les milieux d'affaire, Nicolas Sarkozy dispose d'une avance que je ne lui contesterai jamais. C'est son monde. Pas le mien.
M. Sarkozy semble également décidé à vous attaquer sur les "erreurs" historiques de la gauche, notamment les 35 heures et la retraite à 60 ans de 1982. Que répliquez-vous ?
Pourquoi n'est-il pas remonté à 1936 avec les congés payés, ou même au début du XXe siècle avec la journée de huit heures et le repos dominical ! M. Sarkozy a la mémoire longue pour les autres, mais courte pour lui-même. De ses cadeaux fiscaux, de son aveuglement budgétaire, du creusement des inégalités, du laxisme en matière de hautes rémunérations, de l'impuissance face aux banques, de l'innocence face aux désordres commerciaux et de la dépendance à l'égard de la Chine, finalement, il n'est en rien responsable. Nous aurons face à nous un candidat sans mémoire. L'amnésie lui servira de viatique.
Propos recueillis par David Revault d'Allonnes et Thomas Wieder
Source : le monde.fr
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