lundi 26 septembre 2011

Algérie:Le métro des riches

Après son musée, sa police, le métro a son ticket. Et il n’est pas donné : cinquante dinars. Deux fois et demie le prix du “taxi-place” pour un trajet équivalant à plusieurs stations ! À ce tarif, autant prendre le taxi. Ce n’est plus un service public, c’est un luxe. Et on verra bientôt les Algérois s’offrir des tickets de métro en cadeau.
On comprend alors pourquoi les gestionnaires du Métro d’Alger préposaient, pour les soirées de ramadhan, des visites de station de métro : pour certains d’entre eux, ce pourrait avoir été l’unique occasion de faire pivoter le tourniquet.
Cela faisait déjà singulier qu’en Algérie, et contrairement à la norme universelle, le transport public coûte plus que le transport privé. Les autorités concèdent aux transporteurs privés la liberté tacite de se rattraper sur la qualité de service où l’accueil, l’hygiène, la norme de vitesse et le respect des horaires constituent les derniers soucis des conducteurs de bus.
On n’arrête pas le progrès, mais peut-être mieux vaut l’arrêter quand il rend plus difficile la vie de l’usager. Ainsi, on peut se demander pourquoi l’Etusa, transporteur public urbain de la capitale, s’est cru obligée de changer son mode de billetterie. Les nouveaux tickets, conçus pour l’abonnement électronique, ont probablement renchéri le coût de billetterie et expliquent le niveau de tarif actuel, supérieur à celui du privé. Jusqu’ici, le professionnalisme de son personnel et le relatif confort de ses bus faisaient contraste avec le laisser-aller et le mépris du client qu’on observe chez des transporteurs plus motivés par les prêts Ansej que par leur vocation, voici que l’ancienne régie pèche par la cherté. La commission d’enquête parlementaire sur les évènements de janvier dernier vient de rendre ses conclusions à la présidence de l’APN. Partant du postulat officiel que les émeutes ont été provoquées par l’augmentation des prix du sucre et de l’huile, ladite commission a conclu à… l’absurdité du soutien de ces prix, un soutien qui profite à tous les consommateurs, sans distinction de niveau de revenus. Il suggère que les mesures sociales doivent cibler les catégories de revenus et non des produits. Cette découverte parlementaire du fil à couper le beurre va probablement faire que le rapport ne sera jamais rendu public. Mais ce qu’on en sait déjà confirme l’aberration de l’élargissement de la gamme de produits subventionnés, généralisant les efforts sociaux de l’État à l’ensemble des ménages sur la base de recettes aléatoires, car elles-mêmes dépendant des fluctuations du marché des hydrocarbures.
Quand le patronat se dit prêt à accepter une revalorisation “raisonnable” du SNMG, il fait semblant d’ignorer que l’article 87 bis du code du travail enlève tout son sens à la notion de salaire minimum, faisant en sorte que la masse d’employés encore “légalement” payés sous le SNMG est considérable.
Dans la nouvelle politique sociale, la notion de niveau de vie est réduite au logement et aux capacités alimentaires des ménages. Le transport, élément incompressible du budget des ménages, est ignoré comme déterminant dans la structure des dépenses du citoyen.
Résultat : à cent dinars aller-retour, on a construit un métro pour les riches.

mustapha hammouche

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