Aïcha Kadhafi est tombée dans un piège. Pour différentes
raisons, dont l'humanitaire sans aucun doute possible, l'Algérie l'a
accueillie. Elle a donc bénéficié d'un statut de réfugiée politique, droit qui s'accompagne d'un devoir
de réserve, celui de ne rien entreprendre publiquement qui puisse gêner les
autorités d'accueil. L'avocate Aïcha Kadhafi le sait très bien. En se livrant,
à partir d'Alger, à une attaque médiatique contre le CNT, très légitime par
ailleurs sur le plan humain, elle se met juridiquement en défaut par rapport à
son devoir. Pourquoi l'a-t-elle fait alors ? Observons que, loin de gêner
véritablement la diplomatie algérienne, elle lui rend service. Nos autorités
ont désormais un argument pour se libérer de l'hospitalité accordée à Aïcha sans
paraître pour autant manquer à leur obligation humanitaire :
puisque c'est
elle-même qui s'est mise en faute. Elles pourraient même négocier son
expulsion, en présentant cette dernière comme un geste amical envers le CNT. La
diplomatie, qu'elle soit algérienne ou pas, serait-elle du pur cynisme ? Oui.
Dans tous les cas de figure. Si l'éventualité d'en faire une monnaie d'échange,
je dis bien l'éventualité, était prise en compte lorsque des membres de la
famille Kadhafi ont été acceptés sur notre territoire, alors nos responsables
n'ont fait que leur travail. On comprendra mieux certaines de leurs
incohérences apparentes. Tout cela n'est pas très moral, certes, mais c'est
politique. Reste à imaginer pourquoi Aïcha s'est mise dans cette situation ?
Elle vient pourtant d'accoucher et on pouvait s'attendre à ce qu'elle s'occupe
plus de son bébé que de déclarations aussi enflammées qu'inutiles, dont le seul
effet est de lui porter tort. A-t-elle été aveuglée par une colère brusque et
irrépressible contre les ennemis de son père ou bien a-t-elle succombé à un
fantasme quelconque où elle pouvait croire que sa déclaration à un media syrien
pouvait changer le cours de l'histoire en Libye et tirer d'affaire son père ?
Enfin, a-t-elle été manipulée, a-t-on fait pression sur elle, pour qu'elle
agisse ainsi contre ses propres intérêts ? Medelci a aussitôt réagi à partir de
New York. Il dit sa surprise et promet que de tels agissements ne se
répéteraient pas. Autrement dit, la négociation est ouverte. Le destin d’Aïcha est
désormais suspendu à trois possibilités. Si le CNT se cabre sur son hostilité
actuelle, elle restera en Algérie et fera même, vraisemblablement, d'autres
déclarations tout aussi intempestives. Si le CNT renoue avec l'Algérie, Aïcha
pourrait être expulsée vers un autre pays, au choix : la Russie, l'Afrique du
Sud ou même l'Iran. Et si le CNT, cas très improbable dans l'immédiat, re -
«coopère» avec l'Algérie selon le modèle langue de bois de l'amitié des peuples
frères et du bon voisinage, alors Aïcha sera un jour ou l'autre renvoyée en
Libye pour y être «jugée». Ce ne sont là que pures supputations. Souhaitons à
Aïcha et à son bébé qu'ils demeurent parmi nous autant qu'ils le désirent, en
toute sûreté et loin de tous calculs machiavéliques.
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