samedi 24 décembre 2011

IL S'IMPROVISE AVOCAT DE L'ALGÉRIE CONTRE LA FRANCE Quand Erdogan «joue» avec l'Histoire

C'est bien que la France vote une loi contre les génocides. L'Algérie n'en tirera que profit.
Mieux vaut tard que jamais, dit l'adage. Il fallut 180 ans pour que la Turquie se rende compte qu'elle devait défendre l'Algérie contre la France. Décidément, à court d'arguments face aux assauts de Nicolas Sarkozy, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a appelé la France à assumer son passé colonial notamment dans le cas «du génocide de la France en Algérie».
M.Erdogan prétend même détenir les chiffres puisque selon lui «15% de la population algérienne a été massacrée par les Français à partir de 1945. Il s'agit d'un génocide», a-t-il déclaré, faisant référence aux violences commises lors du processus de lutte pour l'indépendance de l'Algérie de la domination française, entre 1945 et 1962.
Il rappelle que si «le président français M.Sarkozy ne sait pas qu'il y a eu un génocide, il peut demander à son père Pal Sarkozy (...) qui a été légionnaire en Algérie dans les années 1940». Ces propos visent à défendre la Turquie ou plutôt à répondre au vote par l'Assemblée nationale française, avant-hier, d'une proposition de loi réprimant la contestation du génocide arménien.
Il n'est nullement donc question de défendre l'Algérie, loin s'en faut. Car s'il s'agissait de revenir sur le passé historique, il aurait fallu d'abord défendre l'Algérie, il y a 180 ans au lieu de l'offrir, sans tirer un coup de feu, aux Français en 1830. Qu'ont fait les Turcs pour défendre l'Algérie face à l'invasion française? L'histoire rapporte que le dey n'avait distribué que deux balles à ses soldats qui en revendiquaient 100, de peur que ces derniers ne se retournent contre lui. Il a fallu que 20.000 guerriers arrivent à la rescousse de Kabylie pour défendre Alger alors que le dey avait chargé ses trésors pour partir à Livourne en Italie. Avant la France il y a eu donc l'Empire ottoman. Passons sur les sévices commis par les janissaires contre les populations algériennes. Avant de parler des génocides, que M.Erdogan reconnaisse d'abord le caractère colonial de la présence ottomane à Alger. On évoquera ensuite le pillage des richesses du pays.
Les historiens sont unanimes à soutenir que la présence des Turcs en Afrique du Nord n'a pas fait de l'Algérie une Andalousie. Ils n'ont pas construit le château de Séville ou de l'Alhambra. A part quelques forts, ils s'étaient limités à contrôler les grandes villes et laisser la gestion locale aux tribus. Le dramaturge Slimane Benaïssa a résumé ainsi les trois siècles de la présence turque en Algérie: «Ils ont ramené le bain maure, la zorna et les cubes de baklawa.» Pour exprimer son paternalisme inconscient par ailleurs très intentionné, M.Erdogan convoque l'Histoire et s'improvise défenseur d'une cause qui ne le concerne pas.
Mais qui a autorisé le Premier ministre turc à se faire l'avocat d'un pays autre que le sien? Ou alors veut-il faire du cas algérien une pièce à conviction à verser dans son dossier pour se défendre contre son maître d'hier, Sarkozy? Il n'a ni la compétence ni la prérogative exigées car pour se défendre, l'Algérie sait choisir ses armes et ses avocats, y compris au sein du peuple français. Un peuple d'où ont jailli des Lumières comme Rousseau et Voltaire. Il a fallu 40 ans pour que la France officielle accepte le qualificatif de «Guerre d'Algérie» qu'elle a toujours qualifiée d'«événements d'Algérie».
Il en faudra peut-être moins pour que ce même génie populaire vienne des atrocités commises par la France coloniale en Algérie sans que M.Erdogan vienne nous le rappeler. Après avoir joué au factotum de service des Américains, il a fait de son pays le fer de lance de l'Otan pour se faire admettre à l'UE. Aux pires moments du Printemps arabe, il a passé son temps à rouler des mécaniques entre Tripoli, Damas et Tunis jouant au croupion des puissances occidentales. Dans sa démentielle hégémonie, M.Erdogan va même donner un coup de pouce au parti islamiste de Bouguerra Soltani afin qu'il accède au pouvoir sous le label du modèle turc. Se croyant tout permis, voilà qu'il se rappelle, 180 ans plus tard, du génocide de la France en Algérie. La ficelle est trop grosse M.Erdogan. C'est bien que la France vote une loi contre les génocides et l'Algérie n'en tirera que profit. Pour le reste, c'est le génie du peuple français qui saura trouver les moyens et surtout le moment pour transcender la question mémorielle.


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