samedi 24 décembre 2011

DÉPORTÉS PAR LA FRANCE COLONIALE DE 1845 À 1856 La mort mystérieuse de 198 Algériens à Sète

Ils s'appelaient Zitouni, Ali Ben Kacem, Ahmed Bendjelloul, Ben Abou Ben Mustapha, etc.
Le passé noir de la France coloniale en Algérie n'a pas dévoilé tous ses crimes. Outre les entorses commises en Algérie, tout au long d'un siècle et demi de colonisation, d'autres barbaries ont été commises sur le sol français contre des Algériens. Si la date du 17 Octobre est connue dans les deux pays, -mais non reconnue par la France officielle-, d'autres crimes sont toujours classés top secret. Un autre dossier noir de la France coloniale a été déclassifié au niveau des archives municipales de la ville de Sète -une sous-préfecture de Montpellier - fait état du décès de dizaines d'Algériens dans des circonstances «non déterminées». Selon ce dossier, dont L'Expression détient une copie, des dizaines d'Algériens «détenus de guerre» ont été déportés, entre 1845 et 1856, d'Algérie pour être exploités dans des travaux forcés en France. Le même dossier atteste que les premiers détenus étaient placés dans ces fortifications sous le contrôle du sinistre officier, Pierre Samary, commandant des forts de Sète et qui avait participé, auparavant, à la campagne coloniale en Algérie. Les prisonniers avaient été incarcérés séparément des détenus de droit commun au niveau des deux forts de Sète, à savoir le fort de Saint-Louis et celui de Saint-Pierre. Le même dossier révèle que les registres de l'état civil de la sous-préfecture de Sète ont recensé jusqu'au 6 octobre 2011, 198 Algériens décédés dans des circonstances entourées d'un black-out total. Autrement dit, les registres de décès ont permis de découvrir que la quasi-totalité des prisonniers morts dans cette ville, et qu'on appelait à cette époque «les prisonniers arabes», sont authentifiés comme étant des Algériens, note le dossier. Ce chiffre ne reflète pas la réalité. D'autres noms pourraient bien être identifiés par un travail d'enquête approfondie.

Les rébellions matées
Le nombre exact des prisonniers n'a pas été définitivement arrêté. Les circonstances de leur capture ne sont pas mentionnées. Les causes de leur décès restent une énigme. On évoque même que certains prisonniers avaient réussi à s'évader. Ce qui n'a pas été confirmé. Le point qui suscite des interrogations est le fait que ces Algériens étaient tous morts très jeunes. Leurs dépouilles ont été «ensevelies» dans la fosse commune du cimetière communal, voisin des deux forts, où ils étaient en captivité. Après un travail de vérification auprès des archives municipales de cette ville, dirigées par Mme Catherine Lopez-Dréau, il a été dévoilé que ces Algériens ont été utilisés dans des travaux forcés, pour déblayer les carrières de pierres des localités environnantes et construire une rue importante à Sète qui relie cette ville à sa voisine la ville d'Agde. Ils étaient affectés à l'élargissement de la seule voie qui mène vers la rade du port et la relie aux plages de Sète et au petit port voisin d'Agde. Ces archives comportent les noms et prénoms, les lieux de naissance ou origines, l'âge, la profession, la date de décès, le lieu de détention, le numéro d'enregistrement et d'acte aux registres de l'état civil de Sète de tous les détenus. Les prisonniers étaient de conditions modestes. Ils ont été débarqués de différentes régions d'Algérie, de l'est à l'ouest et du nord au sud. Ils s'appelaient Zitouni, Ali Ben Kacem, Ahmed Bendjelloul, Ben Abou Ben Mustapha... Cette période, 1845 à 1856, mentionnée dans ces archives correspond au déclenchement de nombreux mouvements de résistance en Algérie pour lutter contre la présence coloniale française. Il s'agit des insurrections du Bey Ahmed (1836-1848), celle de l'Emir Abdelkader (1832-1847), de Si Zeghdoud (1841), des Zaâtchas (1844) et de Boumaaza (1844-1846) pour ne citer que celles-ci. C'est ce qui confirme la thèse de détenus militaires transférés en France. Les mêmes documents révèlent curieusement que la transcription des prisonniers de Sète a pris fin en 1856. Ce qui plaide en faveur d'un autre éloignement en France ou dans les Territoires français d'Outre-Mer (Cayenne, Nouvelle-Calédonie...).

La Rampe des Bédouins
Selon des informations recueillies sur les lieux, les autorités algériennes sont informées récemment de ce dossier. On a appris que le ministère des Affaires étrangères a remis une note sur ce crime au ministère des Moudjahidine. En outre, d'autres recherches effectuées très récemment ont confirmé aussi la présence de prisonniers algériens dans le fort de Brescou dans la ville d'Agde. Ces recherches s'avérant longues vont se poursuivre et s'élargir à d'autres endroits. Dans la ville de Sète, on ignore pourquoi cette rue est appelée «Rampe des Bédouins». Vu son importance, elle porte toujours le nom de ces victimes de la colonisation en Algérie avant même que la mairie de cette ville ne décide de l'officialiser. L'utilité de cette rue, appelée communément par les Sétois «Rampe des Bédouins», au XIXe siècle, est d'une importance stratégique. Elle permettait de désenclaver la ville et de joindre deux localités importantes en temps de guerre, tout en facilitant l'accès au fort Saint-Louis et à son môle qui se trouvent, tous les deux, en contrebas. D'autre part, il était à cette époque l'une des bases militaires les plus importantes. Il constituait un axe stratégique du projet colonial avec l'intensification des envois de troupes, de matériels militaires, le rapatriement des soldats français blessés et les prisonniers algériens. Selon certaines indications, les installations à Sète, à elles seules, devaient accueillir entre 200 et 300 prisonniers algériens. Ces installations étaient tellement insuffisantes que deux forts ont été aménagés dans «ce but», en l'occurrence le fort Saint-Louis et celui de Saint-Pierre. Le premier avait une capacité de 133 captifs et le second 83. Cette autre vérité amère du colonialisme français n'est pas encore connue des Algériens. Ce qui nécessite d'autres enquêtes par les chercheurs et autres historiens pour rendre publique la vérité sur cette action colonialiste. Une action que la France ou au moins les autorités locales de cette ville doivent reconnaître en rendant hommage à la mémoire de «ces Bédouins» qui ont creusé des montagnes pour désenclaver la ville.
  
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