Paradoxe, c'est
probablement peu dire : en dépit des centaines de milliers de
logements bâtis dans le cadre des différents programmes
présidentiels, la location, notamment dans les grandes villes,
coûtent les yeux de la tête.
Comble de
contradiction : cela se passe au moment où 14 % du parc immobilier
algérien qui s'élève à 7,4 millions d'unités, restent non occupés. A
la cherté de la location s'ajoute l'état de ces logements qui ne
sont pas toujours des chefs-d'œuvre architecturaux. Ainsi, à Alger,
un studio, pas forcément bien aménagé et parfois même dans un état
délabré, est à quelque 3 000 Da le mois, dans les quartiers réputés
calmes, mais pas forcément chics. Dans ceux où dit-on il fait beau
vivre, à l'image de Hydra, Telemley ou encore Ben Aknoun, un studio
est loué entre 45 000 et 50 000 Da le mois, soit environ trois fois
le Salaire national minimum garanti SNMG, et parfois même plus.
Dans le même Alger
et dans les quartiers appelés communément " populaires ", la
location est certes moins coûteuse mais reste tout de même chère. A
Bab El-Oued, Belcourt ou encore El Harrach, un studio se loue entre
12 000 et 20 000 Da. Dans ce genre de quartiers, si l'on trouve bien
sûr quelque chose à louer, il serait vétuste, humide, des fois
inhabitable. Mokrane partage un studio à Bab El-Oued avec son
collègue de travail depuis 2008. Il verse semestriellement 64 000 Da
à raison de 8000/mois : sa part du loyer. " Je ne parlerai pas de
l'état de l'immeuble avec une cage d'escalier sans lumière et des
odeurs qui s'en dégagent ! Je resterai sur le studio : il est non
aéré, humide et prétendre pouvoir s’y reposer après une longue
journée de travail c'est se foutre le doigt dans l'œil ", se
plaint-il. Un détail : " le propriétaire nous a rendus Visite il y a
quelques jours de ça ", raconte Mokrane et d'ajouter : " ce n'était
pas une visite de courtoisie ! Il veut 4 000 Da de plus le mois.
Nous payons actuellement 16 000 et il veut 20 000. Il les aura en
tous cas, ses 20 000. Nous n'avons pas le choix ! "
Pour les F2, il
faut souvent ajouter, pour le même quartier, la moitié des prix des
studios. Nous avons, en outre, remarqué que des propriétaires
modifient leurs logements pour gagner une pièce de plus, ainsi le
proposer à un prix plus élevé. "Loue spacieux studio, aménagé en f2
". Combien de fois a-t-on, en effet, lu ce genre dans la presse
nationale ? La même chose pour des F2 aménagés en F3, des F3 en
F4…
Dans les autres
grandes villes à l'instar d'Oran, Bougie, Tizi-ouzou, Annaba… le
constat n'est pas trop différent. En effet, ce qui est à Alger à 30
000 serait de 15 000 à 25 000 dans les autres villes, selon bien sûr
l'endroit et l'état des unités proposées. Mais pour la qualité des
logements, elle n'est pas meilleure, voire parfois moindre.
Plus que la
moitié des revenus vont dans la location
"A vrai dire,
travailler loin de chez-soi n'est pas à envier. Avec ma femme, nous
touchons quelque 65 000/mois sans en profiter réellment: nous
déboursons annuellement 36 millions de centimes rien qu'en location.
Ajoutez à cela les différentes factures : électricité, gaz, eau… A
bien calculer, à trois, car nous avons un enfant, nous vivons avec,
à peu près 25 000 Da ", s'indigne Mourad, un fonctionnaire dans un
ministère. Sur l'état du F2, Mourad assure que rien n'y est
confortable. "Pas de chauffage, pas de ligne téléphonique, et nous
avions nous-mêmes, avec nos maigres économies, installé un
chauffe-bain, sinon on se doucherait à l'aide d'un "chafchaq",
ironise-t-il. La situation de Karim, un ingénieur en hydraulique
travaillant dans une boîte privée, est pire. Des 40 000 Da qu'il
gagne mensuellement, la moitié va au propriétaire du F2 où il vit
avec sa femme au chômage. "Mais ai-je le choix ? " s'interroge-t-il
et de continuer : " avec les 20 000 Da qui restent, j'essaie de
boucler le mois. En tous cas j'ai toujours fait appel à mes amis
pour des dettes que je ne rembourse que difficilement. Une chose
reste certaine pour moi : je trime sérieusement, mais que faire ?
Revenir au bled, c'est être sûr de mourir de faim ! ".
Le pire dans ces
locations, selon ceux que nous avons approchés, est qu'ils n'auront
pas le cœur, même s'ils en ont les moyens, à meubler ces logements,
puisque ils ne savent pas quand ils vont les quitter. Ils vivent
pour la plupart dans appartement nu. "Je mène la vie d'un nomade",
déclare Ahmed qui au bout de deux ans déménagera trois fois.
Célibataire ?
On ne vous loue pas !
Pour ceux qui
travaillent dans ces grandes métropoles et qui n'en sont pas
originaires, il faut bien dire que c'est le calvaire. Mais ceux qui
en souffriront le plus sont les célibataires". Trouver un logement à
louer n'est pas du tout facile ! ", déclare Mohand, un employé de
banque, originaire de Tizi-Ouzou et d'ajouter : " je partage un F2 à
peine habitable avec deux autres travailleurs et un restaurateur,
mais je puis vous promettre que c'est la torture. Je tente de
trouver un gîte, mais dès que j'annonce que je suis un célibataire,
l’on commence à évoquer les exigences des propriétaires ". L'on
pense, en effet, qu'un célibataire est proie à toutes les tentations
et vices. C'est ce que nous confirme un agent immobilier qui a
préféré gardé l'anonymat. "La plupart
de ceux qui font
appel à nos services pour la location de leurs biens, exigent que ça
soit à des familles et non pas à des célibataires ", dit-il.
L'autre problème qui pèse pour ceux qui sont en quête d'un loyer,
est les avances. Il n'y a pas, en effet, que les agences
immobilières qui les imposent, mais aussi ceux qui désirent louer
leurs logements sans passer par un agent ou par une agence. C'est au
minimum 6 mois d'avance, et à faire à petit décompte, l'on se rend
compte à quel point commencer à travailler n'est pas toujours un
bonheur… quand c'est loin de chez-soi !
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