Un habitant de Bani Walid à l'intérieur d'un appartement endommagé le 30 octobre 2011 à Bani Walid (AFP, Marco Longari)
BANI WALID — "Notre vengeance on l'aura, tôt ou tard", lance un homme
de la puissante tribu des Werfallah, fidèle à l'ancien régime, en
montrant des appartements incendiés et éventrés par des tirs d'obus des
anti-Kadhafi, près du centre ville de Bani Walid.
Refusant d'être
filmé, il donne son seul prénom, Souleimane, "par peur" des combattants
du nouveau régime qui ont pris le contrôle de la ville il y a une
dizaine de jours, après plus d'un mois de combats contre les forces
fidèles à l'ex-dirigeant Mouammar Kadhafi, tué à Syrte le 20 octobre.
"Nous
avons arrêté de nous battre parce que nous n'avions plus de munitions.
La plupart des habitants ont caché leurs armes et sont restés chez eux.
D'autres se sont fondus dans les groupes de rebelles", confie-t-il.
Les
forces du Conseil national de transition (CNT, issu de la rébellion),
entrées dans la ville le 17 octobre, ont été surpris par la disparition
soudaine de tout combattant après des semaines de lutte acharnée.
"Quand
les Thowars (révolutionnaires) n'ont pas trouvé les brigades de Kadhafi
dont ils parlaient, ils sont devenus furieux. Ils ont tiré sur des
chiens, des maisons, ont pillé et brûlé des habitations et des bâtiments
publics", ajoute Souleimane. "Toute la ville est en colère. Les Thowars
ont puni tout le monde en détruisant nos maisons, en volant nos
voitures et en tuant nos proches. Ca ne se passera pas comme ça",
poursuit-il en se disant envahi à la fois par la haine et la tristesse.
"Bani
Walid est une société tribale. Il n'y a pas d'étrangers. Il n'y a que
des Werfallah et personne ne peut nous gouverner. C'est pourquoi il n'y
aura pas de Libye sans les Werfallah. Nous agirons tôt ou tard, ici, à
Tripoli, ailleurs", prévient-il.
Bani Walid, une vaste oasis au
relief accidenté à 170 km au sud-est de Tripoli, est le fief des
Werfallah qui forment la principale tribu de Libye, avec un million de
personnes (pour une population d'environ 6,3 millions d'habitants). Ses
membres sont divisés en dizaines de clans que l?on retrouve dans toute
la partie septentrionale du pays, avec une assise en Cyrénaïque (est)
dans la région des villes de Benghazi et de Dernah.
Si les
Werfallah de Bani Walid affichent toujours leur fidélité au régime
déchu, l?opposition entre d'autres clans, essentiellement ceux de
Cyrénaïque, et le régime libyen remonte aux années 1990 quand plusieurs
dizaines d?officiers accusés de complot furent arrêtés et certains
exécutés.
Malgré l'atmosphère de désolation à Bani Walid, certains
tentent de réparer les dégâts et de reprendre une vie normale, "mais
c'est très difficile", affirme Mohamed Ahmed, les mains tachées de
peinture devant son appartement qu'il tente de rendre "vivable".
Des échanges de tirs sont encore fréquents entre des habitants et les pro-CNT, selon lui.
Contrairement
aux autres villes du pays, le drapeau rouge-noir-vert de la "nouvelle
Libye" est très peu visible à Bani Walid et l'activité ne reprend que
très lentement. Des volontaires nettoient la place centrale des douilles
et des gravats.
Un jeune, qui dit s'appeler Al-Sahbi Al-Werfelli,
vend des légumes dans un petit marché improvisé. Il reconnaît avoir
combattu au côté des forces pro-Kadhafi. "Oui j'ai combattu contre ces
voleurs. C'est une révolution de voleurs. Ils ont tout détruit. Ils ont
tout volé", lance-t-il à l'écart des rares passants.
"Bani Walid
paye le prix de son soutien à Kadhafi. Mais nous l'aimons", dit-il.
"Nous attendons un signal pour reprendre les armes et nous venger",
affirme-t-il. Son cousin à proximité approuve: "nous avons défendu nos
maisons et notre honneur et nous nous vengerons pour chaque personne
tuée, chaque maison volée".
Imed LAMLOUM (AFP)
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