samedi 15 octobre 2011

Le 17 octobre 1961 sur les écrans pour la première fois

PARIS, 15 oct 2011 (AFP) - 15/10/2011 09h34 - Il aura fallu attendre 50 ans pour que les événements du 17 octobre 1961, qui vit la répression sanglante d'une manifestation d'Algériens à Paris, soient enfin relatés sur grand écran avec deux films qui sortent en salles mercredi prochain.
"Octobre à Paris", tourné dans la clandestinité juste après par le cinéaste et ancien résistant Jacques Panijel et aussitôt censuré, sera montré au grand public pour la première fois depuis 1962; tandis que "Ici on noie les Algériens - 17 octobre 1961" de Yasmina Adi entend faire la lumière sur "un tabou historique".
Ce jour-là, à l'appel du FLN, 20 à 30.000 Français musulmans dAlgérie, hommes, femmes, enfants, convergent des bidonvilles de Nanterre, Aubervilliers et dailleurs vers la place de lEtoile à Paris, pour protester contre le couvre-feu que vient de leur imposer la préfecture de police.

Compte tenu de la tension et de la psychose qui se sont emparées de la police cible de plusieurs attentats, le FLN impose une manifestation pacifique et l'interdiction formelle de porter une arme.
Mais alors que la foule avance vers le boulevard Saint-Michel, le préfet Maurice Papon donne l'ordre de stopper la manifestation. Une pluie de coups s'abat sur la foule, des corps sont jetés dans la Seine.
Le bilan officiel est arrêté à trois morts, dont deux Algériens. Il atteindrait, selon les historiens, 140 morts au moins pour cette seule journée et 340 entre la fin août et la mi-octobre, au fil des "ratonnades", "bastonnades", règlement de comptes.
"Ce bilan n'a jamais été révisé par l'Etat et c'était encore celui que Papon avançait dans ses mémoires au milieu des années 80", a rappelé à l'AFP l'historien Gilles Manceron, spécialiste du colonialisme français.
"Il a fallu attendre la deuxième génération pour que l'événement soit redécouvert par les historiens, c'est elle qui se met à parler là où les parents avaient préféré se taire", reprend M. Manceron - qui présentera les deux films mardi au Forum des Images à Paris.
Comme souvent après de graves traumatismes, les protagonistes sont avides de tourner la page: les victimes pour les surmonter, les bourreaux pour faire oublier leurs responsabilités, relève l'historien.
"Octobre à Paris", qui sort avec une préface de mise en perspective du cinéaste Mehdi Lallaoui, n'a obtenu son visa de censure qu'en 1973, à la fin de la présidence Pompidou, douze ans après les faits. Encore a-t-il fallu une grève de la faim du cinéaste René Vautier, ancien résistant, rappelle Gilles Manceron.
Mais pour de nombreuses raisons, dont le désintérêt du public, le film ne trouve pas alors de distributeur.
De son côté, Yasmina Adi, réalisatrice née en France de parents algériens, avait déjà travaillé sur le massacre de Sétif le 8 mai 1945 en Algérie, lorsque des Algériens réclament l'indépendance en célébrant la victoire contre lAllemagne nazie.
"Lors des projections de ce film (sur Sétif), le public faisait naturellement le lien" avec les événements de 1961, se souvient-elle, et trahissait sa méconnaissance du sujet, confondant souvent le 17 octobre avec le massacre de Charonne, en marge de la manifestation française anti-OAS du 8 février 1962.
"Cette méconnaissance sexplique aisément. Absente des manuels scolaires, cette histoire a été étouffée, puis simplement ignorée", réalise la cinéaste.
Deux longs métrages sur grand écran qui devraient permettre de remailler les mémoires.


TV5

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