mardi 25 octobre 2011

En Libye, le harem, premier acquis de la révolution

C’est à croire que le peuple a fait la “révolution” pour que les hommes libyens puissent reprendre les quelques petits droits que Kadhafi leur avait concédés. Même si de nombreux résidus de sa conception phallocratique du pouvoir ont été exhumés au cours de la prise de Bab El-Azizia, le dictateur avait légué à la femme libyenne quelques maigres privilèges : le droit de conserver le logement familial en cas de divorce et la stricte réglementation de la possibilité de polygamie.

Mais que fait Moustapha Abdeljalil, président du CNT, trois jours après la prise des derniers bastions de l’armée de Kadhafi et l’exécution de l’ancien maître de Tripoli, le jour de la consécration de la “libération” du pays ? Il proclame la charia, source unique de loi, et annonce la révision du droit de la famille et la re-légalisation de la polygamie en guise de “tâches urgentes des Soviets” version CNT !
Cette hâte à fixer le cadre idéologique du futur État libyen laisse entrevoir, à s’y méprendre, l’esquisse d’un coup d’État de fin de révolution. Car, un Conseil national de transition qui s’apprête à négocier un gouvernement n’est pas supposé anticiper le résultat de cette “négociation” et de la transition. Sinon que le processus doit aboutir à restituer la décision politique au peuple. Mais, visiblement, à Benghazi, la décision est déjà prise.
Les gesticulations d’Abdeljalil, outre qu’elles laissent transparaître la tentation d’un détournement islamiste du mouvement de libération, renseignent sur les velléités de pouvoir de la personne et de ses alliés de l’ancienne frange activiste de l’islamisme libyen. Les proclamations autoritaires d’un rigorisme brut dénotent une affligeante indigence politique : il n’est peut-être pas très adroit de promettre de sévir contre les libertés au moment où il est question de désarmement de la population, sachant que la Libye, pour traditionnaliste qu’elle est, n’est pas uniformément acquise à l’arabisme et aux restrictions islamistes et que des forces acquises aux valeurs positives de liberté ont pris part au sacrifice pour le changement.
Il n’y a qu’à observer les difficultés qui retardent la formation d’un “gouvernement de transition” pour se convaincre qu’il y a loin de la convergence pour la révolution à l’homogénéité politique que le président du CNT vient de résumer à la charia comme source de loi.
Au dénuement politique semble s’ajouter un handicap culturel : comment, en effet, oser proposer une réforme prioritaire de l’ordre familial à un pays qui souffre d’abord d’inexistence institutionnelle, de manque de structures, détruites là où elles existent, de prépondérance du tribalisme sur la citoyenneté. Ni l’état de l’École, ni celui de la santé ou du cadre de vie des Libyens, ni surtout l’organisation de la pratique des libertés publiques qui sont à la base du soulèvement populaire ne semblent avoir pris le dessus, chez le président du CNT, sur l’urgence de pouvoir jeter à la rue la femme répudiée ou de pouvoir, pour un époux, disposer de plus  de femmes !
On le savait : la révolution n’enfante pas que du meilleur. Mais en Libye, on ne veut pas perdre de temps : le pire s’annonce déjà, avant… la transition ?
M. H.

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