Elles sont partout et raflent tout. Autoroutes, hôtels, barrages
hydrauliques, hôpitaux, transports ferroviaires, écoles, logements et
maintenant la Grande Mosquée de Bouteflika. Les entreprises chinoises
font main-basse sur les grands projets infrastructurels.
Discrets mais très efficaces, les Chinois supplantent désormais
Français, Allemands et Américains autant par leur nombre que par leurs
parts de marché dans l'économie algérienne.
Dans le courant du mois d'octobre, les Chinois ont réussi deux grands coups :
- le marché de la Grande Mosquée d'Alger, troisième plus grand édifice religieux au monde, confié à la China State construction ENRG (CSCEC), pour un montant d'un milliard d'euros ;
- un méga-projet de production de matières premières destinées à des médicaments. Si ce projet est encore à l'étude et si son coût n'a pas encore été chiffré, le ministre algérien de la Santé affirme que celui-ci permettra à l'Algérie de devenir à terme « une plaque tournante pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord », en matière de médicaments.
Ces deux projets attestent de la puissance qu'exercent désormais les Chinois sur l'économie algérienne.
Les Chinois sont présents partout
Depuis leur arrivée timide sur le marché algérien au début des années
1980, les entreprises chinoises ont pris du galon tant et si bien
qu'elles sont aujourd'hui présentes dans presque tous les grands projets
d'infrastructures lancés au début des années 2000.
Le premier grand coup réalisé est le nouvel aéroport international
d'Alger. Initié en 1986 mais à l'arrêt pendant plusieurs années faute de
ressources financières, le projet de parachèvement du terminal
international Houari Boumediene a été confié en 2003 au groupe chinois CSCEC pour un montant de 2,6 milliards de dollars.
Trois années plus tard, le terminal devient opérationnel durant l'été 2006.
CSCEC, un vrai empire
L'appétit venant en mangeant, ce groupe obtiendra la réalisation du
nouveau siège du ministère des Affaires étrangères, celui du Conseil
constitutionnel, la construction de l'hôtel Sheraton à Alger ainsi que
des dizaines de projets de logements sociaux à Alger, Sétif, Annaba,
Constantine, Oran.
CSCEC possède aujourd'hui des chantiers dans au moins 35 wilayas (divisions administratives) en Algérie et collabore avec 300 entreprises locales. Un vrai empire.
Le deuxième grand coup réalisé par les Chinois est le chantier de
l'autoroute est-ouest longue de 1 216 km, présenté comme le projet du
siècle en Algérie.
Evalué à 11,4 milliards de dollars, le projet a été confié en 2006 au
groupe japonais Cojaal pour le tronçon est et au Chinois Citic/CRCC
pour les tronçons ouest (359 km) et Centre (169 km). Là encore, les
Chinois ont damé le pion aux grandes entreprises occidentales.
Le montant des projets décrochés par les entreprises chinoises en
Algérie au cours de la dernière décennie se chiffre à plusieurs dizaines
de milliards de dollars alors que le volume des échanges commerciaux
entre les deux pays a atteint 4,55 milliards de dollars durant les onze
premiers mois de l'année 2010.
A titre indicatif, le volume des échanges commerciaux entre l'Algérie
et la France, partenaire traditionnel d'Alger, a atteint quelque 10
milliards d'euros en moyenne entre 2009 et 2010.
La présence chinoise en Algérie
On compte aujourd'hui quelque 30 000 ressortissants chinois en
Algérie, ce qui constitue la plus forte communauté étrangère dans le
pays, loin, très loin des Turcs, des Syriens et autres Français.
D'abord cantonnés dans les bases de vie installées autour des
chantiers, les Chinois se sont progressivement affranchis pour investir
les villes et ouvrir des commerces. Ce qui n'est pas sans provoquer
parfois des conflits avec les Algériens.
En août 2009, des rixes ont opposées des Chinois à des habitants du
quartier de Bab Ezzouar, banlieue est d'Alger. Plusieurs personnes
avaient blessées au cours de ces affrontements. C'est peu dire que la
cohabitation entre Chinois et Algériens est parfois difficile.
C'est que les Chinois d'Algérie sont souvent victimes de préjugés,
voire de racisme. On les accuse de ne pas respecter les coutumes
locales, de manger « des chiens et des chats », de boire de l'alcool, de
piquer le travail des Algériens.
Les entrepreneurs algériens n'en pensent pas moins quand ils
reprochent aux autorités d'ouvrir les portes aux produits « made in
China », contrefaits, bon marché ; des produits qui asphyxient, pour ne
pas dire tuent, la production locale.
Les Chinois, une main d'œuvre corvéable
Pourquoi les Chinois arrivent-ils à damer le pion aux grands groupes
occidentaux, pourtant réputés plus solides, plus expérimentés et dont la
présence en Algérie est plus ancienne que celle des Chinois ?
Confrontées à un manque criard en matière de grandes infrastructures
(routes, hôpitaux, logements…), les autorités algériennes ont lancé
depuis le premier quinquennat du président Bouteflika de vaste
programmes de constructions publiques dotés d'une enveloppe évaluée à
plusieurs centaines de milliards de dollars.
Entre 1999 et 2014, l'Algérie aura ainsi prévu de dépenser plus de 500 milliards de dollars en projets d'investissement.
Pour faire vite, les différents gouvernements algériens ont donc opté
pour les entreprises chinoises. Ces dernières ont la réputation d'être
efficaces et peu regardantes sur les conditions de travail de leurs
employés.
Les groupes chinois ne sont-ils pas les seuls à pratiquer le système
3/8, à savoir trois équipes qui se relayent sans arrêt, de jour comme de
nuit ?
Les mauvaises langues affirment que certains de ces travailleurs sont
des prisonniers de droit commun, condamnés en Chine pour divers délits,
mais engagés de force en Algérie pour y effectuer leurs peine dans les
chantiers. Toutefois, aucune preuve ne permet d'attester ces
allégations.
N'empêche. Les résultats sont là. Les chantiers fleurissent un peu
partout sur le territoire national et les projets sont presque livrés à
temps. Quand on reproche aux responsables algériens de privilégier les
Chinois, ils rétorquent : « Mais les Chinois sont bien efficaces,
fiables, opérants. »
Corruption, l'arme fatale
Certes le sont-ils, mais le recours aux entreprises venues de Chine se justifie également par la corruption.
Certains n'hésitent pas à expliquer la mainmise de ces entreprises
par leur disponibilité à graisser la patte, à corrompre, à payer, à
soudoyer.
Le meilleur exemple reste celui concernant le scandale de l'autoroute est-ouest.
Plusieurs responsables civils et militaires – y compris dans
l'entourage immédiat du ministre des Travaux publics, Amar Ghoul – sont
actuellement poursuivis par la justice algérienne pour délit de
corruption présumée.
Dégoupillée par le DRS, les services secrets algériens, l'affaire
touche au cœur même du ministère chargé de la conduite de ce chantier,
sans pour autant que le ministre ne soit inquiété par les magistrats
instructeurs.
On estime à plus de 200 millions d'euros le montant de pots-de-vin
versés par les Chinois à des intermédiaires algériens et étrangers pour
obtenir le dit marché et pour débloquer le recouvrement des créances
détenues auprès des autorités algériennes.
Qui pourrait demain faire barrage aux entreprises chinoises dans leur conquête exponentielle du marché algérien ?
Soumissionnaires à tous les marchés, forts d'une présence humaine
évaluée à plus de 30 000 personnes, ayant déjà engrangé un grand capital
de confiance auprès des responsables algériens, les groupes chinois
sont bien partis pour bâtir un vrai empire en Algérie.
DNA via rue89
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