dimanche 25 septembre 2011

Libye: les volontaires désertent le front de Bani Walid

WADI DINAR, Libye (AP) — La lassitude gagne les combattants de la révolution libyenne restés combattre à Bani Walid, l'un des derniers bastions des fidèles de Moammar Kadhafi. Confrontés à une résistance farouche, de plus en plus de volontaires quittent le front, découragés par la désorganisation et le manque de munitions dans leurs propres rangs.
Plusieurs semaines après la chute de Tripoli, Bani Walid, à environ 140km au sud-est de la capitale, reste imprenable. Les forces du Conseil national de transition (CNT) se sont heurtées aux défenses naturelles de cette ville de 100.000 habitants, située en travers d'une vallée montagneuse. Mais depuis près d'un mois, le siège a surtout confirmé le désarroi des troupes révolutionnaires, qui mêlent des militaires relativement organisés et des légions de volontaires sous-entraînés.

Les forces du CNT ont déjà abandonné Bani Walid pour se concentrer sur Syrte, la ville natale du Guide, sur la côte méditerranéenne, et d'autres fiefs des pro-Kadhafi plus au sud, comme Sabha dans le désert.
Ces derniers jours, même des volontaires qui étaient restés à Bani Walid ont commencé à céder au découragement. Mohammed Andar, un ancien policier de 35 ans, a décidé de rentrer chez lui à Zaouia après avoir reçu un éclat d'obus dans la jambe lors d'une embuscade. Il a été transporté à l'hôpital mercredi, le jour même du premier anniversaire de la naissance de ses jumeaux. Ses blessures ne sont pas assez graves pour l'éloigner du front, mais il estime que ça ne sert à rien de reprendre le combat.
"Ce serait un honneur pour mes enfants que leur père finisse en martyr, mais pas de cette façon chaotique et mal organisée", dénonce ce combattant qui se repose pour l'heure à un poste de contrôle des forces révolutionnaires installé à 45km au nord de Bani Walid.
Pour entrer à Bani Walid depuis le nord-ouest, depuis Tripoli, les combattants révolutionnaires doivent traverser une vallée très encaissée, de quelque 400 mètres de profondeur, qui divise la ville. Les fidèles de Kadhafi postés en hauteur font pleuvoir des roquettes, obus de mortier et bombes à fragmentation sur les combattants qui tentent d'approcher.
"On a été choqués par la puissance de la résistance qu'on a rencontrée", avoue à l'Associated Press Oussama el-Fassi, un commandant à Bani Walid. Ses troupes n'y étaient pas préparées, dit-il, accusant le commandement militaire du CNT de ne pas leur avoir fourni les munitions, les armes et les commandants nécessaires pour lancer une vraie offensive sur la ville. "Bani Walid est remplie de toutes les ordures de Libye et nous n'avons même pas d'armes lourdes pour les affronter".
Vendredi, les chefs de sa brigade, les Martyrs du 28-Mai, ont décidé d'abandonner officiellement le front nord et de déplacer leur base vers le front sud, où le terrain est plus facile.
Cinq chars russes datant des années 70, saisis lors de la chute de Tripoli, ont rejoint la semaine dernière les positions des forces révolutionnaires à Wadi Dinar, au nord de Bani Walid. Mais ces blindés ont besoin de maintenance et pour l'heure ils n'ont pas bougé. Les combattants passent leur journée à s'y prélasser, à se prendre en photo dessus avec leur téléphone portable ou s'en servent pour étendre leur linge...
"Est-ce que vous arrivez à croire que je suis entré sur la ligne de front avec seulement un chargeur pour ma Kalachnikov", demande Hassan Abdelkader, un autre combattant venu de Zaouia, à l'est de Tripoli. "On se sent très démoralisés et frustrés. Où sont le conseil militaire avec ses chefs et les munitions et les renforts? On nous a laissés nous battre tous seuls ici".
"Il y a tant de combattants et nous ne pouvons pas communiquer avec chacun d'entre eux", reconnaît un chef militaire du CNT, Daw Salihine. "C'est une révolution... Forcément, ça peut être chaotique".
Mais le manque de munitions est fatal pour les combattants de Bani Walid, explique Mohammed Andar. Privés de commandement, plusieurs d'entre eux ont tenté mercredi d'avancer dans la ville et d'entrer dans le centre par des chemins détournés. Mais les dix véhicules de la petite expédition se sont faits surprendre par une embuscade des fidèles de Kadhafi, équipés d'armes lourdes, qui ont tué huit combattants d'après le Dr Alaa Chafori, médecin dans un hôpital de campagne.
"On s'est retrouvés à court de munitions parce qu'on pensait juste partir en éclaireurs", explique Abdel-Salam Genouna qui avait préparé l'attaque. "On a de la chance que beaucoup d'entre nous aient survécu". "Je veux mourir pour la Libye et pour la liberté, pas pour ce genre de désastre", résume Bassam Tourki, un combattant de 33 ans, rentré à Tripoli.
En comparaison, à Syrte, les forces révolutionnaires, confrontées aussi à une forte résistance, semblent mieux organisées. Mais les combattants de Bani Walid ont aussi pâti du manque de soutien des populations locales fidèles à l'ancien régime, note Mohammed Andar, l'ancien policier. "Dans toutes les villes que nous avons libérées, la population s'est soulevée pour nous aider, sauf à Bani Walid".
D'après Fathi Kirchadz, un commandant sur le terrain, les rangs des forces révolutionnaires à Bani Walid ont été désertés car les combattants locaux avaient peur pour leurs familles. Oussama el-Fassi assure en effet que les forces fidèles à Kadhafi ont écrit son nom et ceux d'autres combattants sur une liste d'hommes à abattre et qu'ils s'en prennent à leurs familles.
Les combattants n'ont pas les moyens de tenir des positions à l'intérieur de la ville et ne peuvent pas protéger les familles qui hissent le drapeau révolutionnaire. Selon Oussama el-Fassi, des sources dans Bani Walid lui ont rapporté que 15 civils avaient été tués lors de raids depuis vendredi. Il se sent responsable. "Ces familles ont fêté notre arrivée et on les a laissé mourir". AP


via nouvelle OBS

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