L'Autorité palestinienne s'apprête à déposer à l'ONU une demande
de reconnaissance d'un Etat palestinien. Un échec pour la diplomatie
américaine. L'analyse de Christian Makarian, directeur délégué de la
rédaction de L'Express.
A force de gloser sur le défi lancé par Mahmoud Abbas à Israël,
on en oublierait presque combien cette initiative blesse au plus
profond la diplomatie américaine. En contradiction complète avec le discours du Caire,
dans lequel Barack Obama appelait de tous ses vœux une réaffirmation
des droits inaliénables des Palestiniens, la menace américaine de veto
au Conseil de sécurité de l'ONU apparaît comme une manœuvre électorale
de faible calibre.
Si Obama veut être réélu l'an prochain, il ne peut pas se
permettre d'irriter l'électorat juif et, surtout, l'électorat chrétien
fondamentaliste qui est majoritairement pro-israélien (la création
d'Israël en 1948 est vue comme la réalisation du plan promis par Dieu,
par beaucoup d'églises issues de la mouvance évangélique). Pire encore,
il y a un an, le 23 septembre 2010, Barack Obama proclamait devant
l'Assemblée général des Nations Unies que "l'an prochain", "on verrait
la naissance d'"un État souverain de Palestine vivant en paix avec
Israël".
Pour qu'il se soit engagé à ce point, on ne peut douter des
bonnes intentions d'Obama. Mais sa "praxis" est en sérieuse déconfiture.
Le président américain n'a non seulement pas su convaincre Israël que
sa sécurité pourrait être fermement garantie en cas de naissance d'un
Etat palestinien, mais il n'a pas réussi à réconcilier le camp
palestinien. En réalité, pour le Hamas comme pour Netanyahu, l'état
d'hostilité actuel apparaît préférable à une paix bricolée. En allant
solliciter de l'ONU la reconnaissance d'un État palestinien, Mahmoud
Abbas, qui n'a plus aucun pouvoir parmi les siens (rappelons qu'il avait
promis de démissionner l'année dernière faute de marge de manœuvre)
pense "sortir par le haut" de l'impasse dans laquelle il se trouve
enfermé par la sécession du Hamas à Gaza. C'est pourquoi son initiative
ne fait pas l'unanimité parmi les Palestiniens. Ce faisant, il pousse
Obama dans un corner et le contraint à choisir Israël par la force des choses - ce qui n'est pas très habile.
Quant à Netanyahu, il a tout dit à son "ami" Barack lorsque, le
24 mai 2011, il a prononcé devant le Congrès des États-Unis un discours
sans concession et s'est fait acclamer à tout rompre. Ce jour-là, il a
refusé catégoriquement de revenir aux frontières d'avant 1967 comme base
de discussion des frontières d'un futur Etat palestinien ; or Barack
Obama venait de déclarer précisément qu'il fallait revenir aux
frontières d'avant 1967! A l'autre bord, les Palestiniens reprochent à
Obama de n'avoir pas été capables de convaincre Netanyahu de geler les
colonies de peuplement dans les territoires occupés.
De cette double gifle, israélienne puis palestinienne, il
ressort un Obama diminué. Au lieu d'installer les États-Unis en arbitre
suprême, il a placé son pays dans la position du punching ball.
Devant chacune de leurs opinions publiques, les deux challengers,
Netanyahu et Abbas, ont trouvé un intérêt à acculer Barack Obama. Ce
dernier semble aujourd'hui n'être ni pour les Palestiniens, ni pour les
Israéliens, alors qu'il veut sincèrement la paix pour les deux camps.
Cela s'appelle un échec politique, que l'on peut corriger d'une seule
notation: la partie était injouable et personne à ce jour n'y est
arrivé. Obama a besoin de partenaires, et il n'en a pas : Netanyahu est
contre sa vision du Moyen-Orient, et Abbas n'a aucune force sur son
propre peuple. Tant que la paix paraîtra aux deux bords plus
problématique que l'affrontement, il n'y aura pas de paix.
source Express
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