La diplomatie algérienne a posé nettement problème dans le
cas libyen. Aveugle à la réalité, celle d'une insurrection armée (à nos
frontières) soutenue par les principales puissances de ce monde et dirigée
contre un dictateur isolé, imprévisible, voire un peu fou, les dirigeants
algériens ont cru pouvoir jouer gagnant en misant sur la prudence et la
neutralité. Comme dans tous les cas où se substitue à l'analyse objective d'une
situation une «vérité générale», un dogme - ici en l'occurrence qu'on n'a
«jamais vu de solution militaire à un problème politique» ou encore que «par
principe, nous refusons toute ingérence étrangère» - l'Algérie a tout fait
faux.
Nos diplomates n'ont pas pris toute la mesure du pouvoir de Kadhafi, sa
nature si particulière et sa fragilité manifeste. De même qu'ils n'ont pas
mesuré la détermination de certains pays européens à s'engager dans ce conflit
libyen. Quand bien même, son issue des événements devait aboutir à une guerre
civile et/ou tribale prévisible où, de ce fait, nous serions appelés à jouer un
rôle, important pour nos intérêts, par la logique du voisinage et de nos
moyens, ce qui expliquerait pourquoi il fallait rester neutre et attendre le
pourrissement, la passivité n'était pas le meilleur argument à faire prévaloir.
Dans tous les cas, un scénario qui ne prévoit pas d'action est forcément mauvais.
Nous voici à présent à courir derrière les faits, reconnaître un CNT qui n'a
probablement que faire de cette reconnaissance et compter sur le réalisme des
futures relations entre Etats pour amadouer un voisin hostile. Un de plus, avec
le Maroc. Une diplomatie qui aboutit à une situation «d'encerclement» est la
faute la plus grave qui soit, car elle prépare et suscite l'agression
extérieure, en tout cas la rend objectivement possible. L'Algérie, certes,
n'est pas aussi isolée par rapport à ses voisins que l'était l'Irak de Saddam
Hussein à la veille de l'agression américaine, la république islamique d'Iran
ou la Syrie de Bachar el Assad, mais avec l'effondrement du régime de Kadhafi,
et son incapacité à s'impliquer au mieux de ses intérêts dans les troubles du
voisin, elle a fait un mauvais dans le mauvais sens. Dire que nous n'avons
aucun pays ami sur toutes nos frontières, ou que demain la Tunisie risquerait à
son tour de nous être hostile, c'est faire un constat dont la nature
géopolitique exprime nos rapports actuels avec la France. Aucun des pays de la
région n'échappe désormais à l'influence politique, économique et militaire
française. C'est une réalité, un fait établi, dont il va falloir tirer toutes
les conséquences. Une certitude déjà : les (pseudos) bons rapports économiques,
droit international et beaux principes ne suffisent jamais à protéger un pays
comme le nôtre et légitimer son aspiration à la souveraineté. Il ne faut pas
s'enfermer dans les visions passées mais s'ouvrir à plus d'imagination et
d'audace.
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