La victoire du parti islamiste tunisien Ennahda aura
fait couler beaucoup d’encre. Mais quelques jours après l’annonce des
résultats officiels, le journaliste du Monde Diplomatique Alain Gresh
revient sur la réaction des éditorialistes français au lendemain du
scrutin du 23 octobre dernier en Tunisie. Ceux qui chantaient le
printemps arabe et une élection historique de la démocratie tunisienne
naissante, déchantent au lendemain des élections car le vainqueur n’est
pas leur vainqueur, lit-on sur le blog Nouvelles d'Orient d'Alain Gresh, directeur adjoint du «Diplo» et spécialiste du Proche-Orient.
Même si tous les médias français n’ont pas sonné le même air, un anti-islamisme primaire a marqué de nombreux éditos.
«Que les Tunisiens votent pour Ennahda, et voilà nombre de nos éditorialistes, ceux-là même qui affirmaient que le printemps arabe avait vu la disparition des islamistes, s’interroger gravement et reprendre une vieille antienne: les Arabes ne sont pas mûrs pour la démocratie ou, comme ils l’écrivaient avant, mieux vaut Ben Ali que les islamistes», commente Alain Gresh.
Le sentiment
qui prévaut chez les éditorialistes français, c'est la peur. La peur de
voir des islamistes sur l'autre rive de la Méditerranée.
«Cette peur, c’est celle de l’islamisme, celle d’un pouvoir barbu et liberticide, dont les imams psychopathes remplaceraient les militaires d’opérette et les despotes débauchés d’hier» déclarait le directeur de l’Express Christophe Barbier le 25 octobre.
Certains voyaient tout de même dans cette victoire, le jeu de la démocratie.
Les partis de gauche se sont tout de suite mis en ordre de bataille
pour jouer leur rôle d’opposition, en créant notamment des alliances
politiques, afin de peser dans la future Assemblée constituante
tunisienne.
Le journaliste et blogueur du Monde Diplomatique
épingle également la comparaison de la situation actuelle tunisienne
avec les élections de janvier 1992 en Algérie. A cet égard,
l’éditorialiste et fondateur du Nouvel Observateur Jean Daniel voient
les généraux algériens comme un rempart contre les islamistes.
Le coup d’Etat fut donc, «populaire aux yeux de l’opinion démocratique» et «a sans doute protégé l’Algérie d’une victoire des ennemis islamistes de la démocratie» écrivait Jean Daniel le 26 octobre.
Alain Gresh de répondre: «S’il existe un pouvoir autoritaire et corrompu aujourd’hui dans le monde arabe, c’est bien celui des généraux algériens.»
Enfin, il demeure des voix discordantes. L’édito du Monde daté du 27 octobre pose ainsi cette question: «Et si, en Tunisie, la démocratie passait par l’islam?».
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