C’est sûr, car le proverbe ne ment pas, nul n’est prophète en son
pays. L’Algérien en premier lieu, surtout s’il s’agit d’un scientifique
reconnu par ses pairs et honoré dans des contrées plus gratifiantes que
sa terre natale. Tenez, il peut même être savant sur la planète Mars.
Chercheur émérite à la NASA. Grand patron de la recherche médicale aux
Etats-Unis. Traqueur mondialement célèbre du virus du Sida. Et, au pays
du Soleil Levant, un Manitou de la recherche en physique. Et last but
not de least, comme on dit chez lui dans sa patrie d’accueil étasunienne
reconnaissante, un big boss de la robotique. Ou bien, DG de la
chaîne Al Jazeera. Ou encore, l’artisan du succès planétaire de
l’orgasme par Viagra assisté. Allez, juste pour le plaisir de se
convaincre qu’Algérien ne rime en rien avec rien, citons comme premier
de liste, le professeur Noureddine Melikechi. Originaire de Thénia,
diplômé de physique de l’USTHB de Bab Ezzouar, ce formidable crâne d’œuf
fait partie de l’équipe américaine ChemCam qui doit lancer aujourd’hui
une sonde spatiale en direction de la planète rouge pour savoir si elle
est habitable ou si de l’eau pouvait s’y trouver. Il y a aussi le
professeur Elias Zerhouni, lauréat d’une faculté de médecine algérienne.
Radiologue, spécialiste mondialement reconnu de génie biomédical, il a
dirigé pendant six ans le
programme fédéral américain de
recherche médicale, à la tête du NIH, l’institut national de santé. Ce
fils de Nedroma est aujourd’hui un envoyé scientifique dans le monde du
président Barack Obama. Tout aussi prestigieux est également le
professeur Mohamed Banat, diplômé de physique de l’université d’Alger.
Ce spécialiste de physique atmosphérique et spatiale ainsi que de la
physique des fluides, est notamment senior consultant ou leader de
projet d’une vingtaine de grosses compagnies nippones telle Mitsubishi
Atomic Power. Il est aussi encadreur de doctorants à l’université de
Manchester et à celle de Tsukuba au Japon. Et, n’en jetons plus,
superviseur de post-doctorant à la Space and technology agency (STA) du
même pays. Il y a également le professeur Kamel Youcef Toumi,
spécialiste de renommée internationale de robotique et chercheur à la
NASA. En France, où existe une importante communauté de scientifiques
algériens, il y a notamment le professeur Kamel Sanhadji, né et formé à
Alger. Même si son nom a été, injustement, dissocié de ceux de ses
confrères français Jean-Louis Touraine et Luc Montagnier, cet enfant de
Kouba a énormément contribué aux grandes avancées dans le domaine de
l’immunodéficience humaine (VIH). Sur un tout autre registre, celui des
grands networks mondiaux, un journaliste algérien, peu connu mais au CV
long comme un parchemin chinois, dirige désormais l’information sur les
antennes d’Al Jazeera, tout en étant, excusez du peu, conseiller du
patron de la chaîne, cheikh Hamad Ben Thamer Al Thani. Cet illustre
confrère, longtemps anonyme, est un ancien rédacteur de la revue
Alger-Réalités du Conseil populaire de la ville d’Alger. Obscur chez
lui, lumineux chez les autres… Parmi les grands bienfaiteurs de
l’humanité en détresse, il y a par ailleurs un Kabyle pure huile
d’olive, première pression à froid, un certain Mohamed Sidi-Said. Ce
vice-président du géant pharmaceutique Pfizer a largement contribué au
succès planétaire de la pilule bleue qui fait le bonheur de millions de
mâles en panne érectile. Lui comme tant d’autres sont des exemples
brillantissimes dans une liste non exhaustive de success story
d’Algériens expatriés depuis les années 1970. Mais, derrière ces
leaders, il y a des dizaines de milliers d’autres compatriotes, souvent
formés au pays, qui l’ont quitté pour moult raisons. Un nombre
incalculable de cadres de très haut niveau, souvent des scientifiques,
un demi-million peut-être, qui sont partis d’Algérie du fait du
terrorisme islamiste mais pas seulement à cause de lui. La bureaucratie,
la corruption, le népotisme, l’incompétence, la terreur psychologique
exercée par la médiocratie sont autant de bonnes raisons expliquant
également l’exil et l’impossible retour au pays. Il y a aussi d’autres
motifs, plus spécifiques : l’inadéquation de l’environnement
professionnel, le manque d’attractivité de l’Administration et de
l’économie, la dérisoire rémunération, misérable en fait, de leurs
immenses compétences, la question de l’équivalence de leurs diplômes
dont la validation est confiée à des ignares, ces nombreux estropiés
administratifs du cerveau ! L’humiliation est sans borne lorsque la
médiocratie juge et asservit la méritocratie. De temps à autre, des voix
officielles expriment le vœu de voir un jour les cerveaux algériens de
l’étranger revenir au pays bien-aimé. Vœu bien pieux quand on sait que
l’Algérie de 2011 consacre moins de 1 % de son PIB à la recherche
scientifique et technique. Soit moins de deux milliards de dollars alors
qu’elle possède des encaisses énormes mais oisifs en Europe et aux
Etats-Unis. Un pourcentage à apprécier par rapport aux budgets de
l’Education de 2011 et 2012, largement inférieurs à ceux des ministères
de la Défense et de l’Intérieur. Choix éloquents dans un pays où le
militaire et le policier sont bien mieux considérés qu’un chercheur
universitaire qui touche une prime mensuelle graduée entre 10 000 et 45
000 DA ! Encore faut-il pondérer ce moins de 1 % de la richesse
nationale lorsqu’on sait que l’Etat a dégagé en 2008 une enveloppe de
1,48 milliard de dollars sur 5 ans pour moins de 25 000 chercheurs, dont
seulement 1500 permanents pour 25 centres de recherche ! Cherchez alors
l’anomalie et vous la trouverez dans les ... cerveaux !
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