Condamner la bêtise et l’ignorance

 Photo/Une message de mariage chrétien à Tizi Ouzou, en Kabylie NEW PRESS / SIPA

 

Dans quel pays vivons-nous ? Un jeune homme de 29 ans, malheureux converti au christianisme, aura chèrement payé son geste pas du tout, mais alors pas du tout agressif envers son voisin, à qui il a remis un DVD consacré sans doute à la foi chrétienne. Dénoncé par celui-ci, il a été arrêté, jugé une première fois pour offense envers l’Islam et condamné à 5 ans de prison ferme ! C’est aujourd’hui que s’ouvre son procès en appel. Des comités de soutien se sont constitués un peu partout à la suite de sa première condamnation et se sont mobilisés pour exiger sa libération. Une condamnation qui a de quoi laisser perplexe.

D’aucuns diront qu’il faut peut-être se méfier de son voisin ou, tout au moins, être en entente avec lui quelles que soient les circonstances. D’autres, ils sont sans aucun doute plus nombreux, trouveront que la condamnation n’a pas lieu d’être et que les services de police ou la justice ont assurément autre chose à faire que de donner suite à une dénonciation autour du geste plus que banal que la remise à un tiers d’un DVD consacré à la foi chrétienne, geste qui, en soi, est loin d’être un crime ou encore un délit.

Faut-il s’étonner qu’à la suite ce genre d’affaires, cinq ou six ans après celle de la jeune Hakima de Tiaret condamnée pour prosélytisme après avoir remis un exemplaire de la Bible à quelqu’un, l’Algérie soit l’objet de railleries, de moqueries ou alors de vives critiques pour atteinte aux droits de l’homme et reléguée «au ban des Nations» ? Heureusement pour nous, pourrait-on dire a contrario, car sans quoi nous nous retrouverions dans les siècles les plus sombres de l’obscurantisme du fait de comportements autoritaires et paternalistes. En effet, à travers ces cas de soi-disant prosélytisme, comme pour ceux de ces jeûneurs condamnés pour «ne pas avoir respecté le Ramadhan», tout est fait au mépris des dispositions constitutionnelles qui consacrent pourtant les libertés de conscience et de culte et dans l’ignorance des conventions internationales sur les droits humains auxquelles a adhéré l’Algérie. Encore une fois, la bêtise et l’ignorance ont pris le dessus dans l’appréciation des choses.

Au point d’oublier qu’à l’heure du tout-numérique, on peut d’un «clic» aller sur internet et télécharger ou plus simplement «surfer» sur des sites consacrés aux religions sans pour autant craindre de tomber sous le coup de la justice. Dans ce cas absurde, il faudra alors songer à interdire la réception de la Toile, des antennes paraboliques pour ne pas capter les chaînes de télé «évangéliques», fermer tous les vidéoclubs d’Algérie, les cybercafés, etc. Ce qui n’est pas, fort heureusement, encore le cas. Mais en toute circonstance, on reste convaincus que les services de police et la justice ont déjà fort à faire avec tous les criminels, «délinquants en col blanc et autres ‘‘fils’’ de…» qui courent dans la nature pour s’encombrer d’affaires qui n’en sont pas, de susceptibilités entre voisins, de bêtises…

 

 

Reda Bekkat