Au Maroc, des manifestants appellent au boycott des élections – et se font matraquer
Dimanche, des milliers de personnes ont manifesté au Maroc,
appelant au boycott des élections législatives anticipées prévues en
novembre prochain. Devant le Parlement, à Rabat, des manifestants ont
été accueillis à coups de matraque par des policiers.
Environ 3 000 personnes ont manifesté ce dimanche à Rabat et 8 000 à
Casablanca, tandis que d’autres cortèges ont été signalés à Fès,
Tanger, et Marrakech. Tous ces rassemblements s’inscrivent dans le Mouvement du 20 Février, créé l’hiver dernier par une jeunesse inspirée par le printemps arabe.
Face à au Mouvement du 20 février, le roi Mohammed VI avait réagi en proposant une réforme de la constitution marocaine
qui a été approuvée par référendum à une majorité écrasante en juillet
dernier. Parmi les nouvelles mesures qui, selon le roi, doivent
permettre une démocratisation du pays, une partie des prérogatives du
monarque seront transférées à un gouvernement, dont le premier ministre
sera issu du parti vainqueur. Le roi garderait cependant la haute main
sur les affaires religieuses et la sécurité. Le scrutin, d’abord prévu
pour le mois de septembre 2012, a été avancé au 25 novembre prochain.
Mais une partie des activistes du Mouvement du 20 Février ne
croient pas que le roi soit prêt à se défaire de ses prérogatives et
craignent que ces élections, trop précipitées à leur goût, ne portent au
pouvoir les mêmes personnalités qui entourent déjà le chef de l’État.
Ils appellent donc la population à boycotter le scrutin alors que
d’autres activistes du même mouvement considèrent cette levée de
boucliers contre-productive.
"Nous avons été attaqués dans les cinq dernières minutes de la manifestation"
Omar Radi, journaliste et activiste âgé de 25 ans, vit à Rabat.
Nous avons marché pendant trois heures dans Rabat. La manifestation
se passait très bien, les policiers restaient à une certaine distance
du cortège. C’est dans les cinq dernières minutes, lorsque l’on arrivait
à destination – le Parlement – que la police a attaqué. Le dispositif
déployé était impressionnant. Nous comptions juste prononcer un petit
mot de fin avant de nous disperser, mais étant donnée leur réaction,
nous sommes restés une heure de plus, à faire de la résistance.
Il y a eu une vingtaine de blessés, dont plusieurs d’un certain
âge. Nous n’avons vraiment pas compris pourquoi ils nous ont attaqués.
Ils auraient pu nous laisser finir paisiblement, mais ils ont eu une
réaction irrationnelle. On ne s’attendait absolument pas à ça.
"Il n’y aura pas d’élection libre, transparente. Nous connaissons d’avance les résultats"
Nous manifestions pour appeler à un boycott des élections
parlementaires car elles ne servent à rien. Il n’y aura pas d’élection
libre, transparente. Nous connaissons d’avance les résultats, les
copains du roi seront élus. En 2007 [les dernières élections
législatives organisées dans le pays], à peine un tiers des marocains
avait participé aux élections. Ici, les gens savent que voter ne les
avance à rien et donc ne vont pas aux urnes. Mais au lieu de laisser
faire les choses en restant passifs, nous préférons organiser un
véritable boycott, plus visible et plus réfléchi.
Nous appelons à plus de justice sociale et économique. Nous voulons
savoir où va l’argent qui découle des richesses naturelles du pays. Et
nous voulons que le roi arrête de mettre le nez dans les affaires, comme
les mines ou l’agroalimentaire, etc. Bref, il y a du boulot.
La répression par la force, ainsi que la politique médiatique
visant à discréditer le Mouvement du 20 Février – la presse nous a
décrits comme une bande d’ "homosexuels et d’impies" – c’est un indice
de l’épuisement de la créativité du régime. Ils ne trouvent plus de
méthodes pour démanteler la colère. Ils ont bien essayé, mais la
nouvelle Constitution n’est pas un document démocratique, car elle ne
sépare pas le roi du pouvoir. Il reste au centre de tout. À savoir si le
Maroc suivra la route de la Tunisie, la Libye, ou la Syrie ? On ne sait
pas."
"Boycotter, ca veut dire rester à la marge. Et je ne pense pas que les marocains soient prêts pour une révolution"
Mounir Bensalah, ingénieur, blogueur et activiste âgé de32 ans, vit à Casablanca.
J’ai participé aux manifestations au début du Mouvement du 20
février, mais pas aux dernières, car je suis opposé au boycott.
Boycotter, ça veut dire qu’on veut rester à la marge. Et après ? Cela
veut-il dire qu’on passe à la révolution ? Je ne pense pas que les
Marocains soient prêts pour cela. Les Marocains veulent du réformisme,
pas une révolution.
C’est bien de descendre dans la rue, mais c’est mieux, selon moi,
de passer par les institutions existantes. Quand nous étions face à une
impasse, nous sommes descendus dans la rue. Maintenant que les Marocains
ont adopté cette réforme constitutionnelle, nous avons dépassé
l’impasse.
Je pense qu’il faut trouver un moyen d’amener les militants du
Mouvement du 20 Février à représenter leurs idéaux dans les
institutions. Nous pouvons également être observateurs de ce qui se
passe pendants les élections, et témoigner des abus.
Le boycott aurait un effet négatif. En revanche, plus les gens
votent, moins les irrégularités seront possible. Quand il y a une vraie
participation, on ne peut pas acheter tout le monde !"
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