mardi 25 octobre 2011

Au Maroc, des manifestants appellent au boycott des élections – et se font matraquer


Dimanche, des milliers de personnes ont manifesté au Maroc, appelant au boycott des élections législatives anticipées prévues en novembre prochain. Devant le Parlement, à Rabat, des manifestants ont été accueillis à coups de matraque par des policiers.
 
Environ 3 000 personnes ont manifesté ce dimanche à Rabat et 8 000 à Casablanca, tandis que d’autres cortèges ont été signalés à Fès, Tanger, et Marrakech. Tous ces rassemblements s’inscrivent dans le Mouvement du 20 Février, créé l’hiver dernier par une jeunesse inspirée par le printemps arabe.
 
Face à au Mouvement du 20 février, le roi Mohammed VI avait réagi en proposant une réforme de la constitution marocaine qui a été approuvée par référendum à une majorité écrasante en juillet dernier. Parmi les nouvelles mesures qui, selon le roi, doivent permettre une démocratisation du pays, une partie des prérogatives du monarque seront transférées à un gouvernement, dont le premier ministre sera issu du parti vainqueur. Le roi garderait cependant la haute main sur les affaires religieuses et la sécurité. Le scrutin, d’abord prévu pour le mois de septembre 2012, a été avancé au 25 novembre prochain.
 
Mais une partie des activistes du Mouvement du 20 Février ne croient pas que le roi soit prêt à se défaire de ses prérogatives et craignent que ces élections, trop précipitées à leur goût, ne portent au pouvoir les mêmes personnalités qui entourent déjà le chef de l’État. Ils appellent donc la population à boycotter le scrutin alors que d’autres activistes du même mouvement considèrent cette levée de boucliers contre-productive.
 

"Nous avons été attaqués dans les cinq dernières minutes de la manifestation"

Omar Radi, journaliste et activiste âgé de 25 ans,  vit à Rabat.
 

Nous avons marché pendant trois heures dans Rabat. La manifestation se passait très bien, les policiers restaient à une certaine distance du cortège. C’est dans les cinq dernières minutes, lorsque l’on arrivait à destination – le Parlement – que la police a attaqué. Le dispositif déployé était impressionnant. Nous comptions juste prononcer un petit mot de fin avant de nous disperser, mais étant donnée leur réaction, nous sommes restés une heure de plus, à faire de la résistance.
 
Il y a eu une vingtaine de blessés, dont plusieurs d’un certain âge. Nous n’avons vraiment pas compris pourquoi ils nous ont attaqués. Ils auraient pu nous laisser finir paisiblement, mais ils ont eu une réaction irrationnelle. On ne s’attendait absolument pas à ça.
 
"Il n’y aura pas d’élection libre, transparente. Nous connaissons d’avance les résultats"
 
Nous manifestions pour appeler à un boycott des élections parlementaires car elles ne servent à rien. Il n’y aura pas d’élection libre, transparente. Nous connaissons d’avance les résultats, les copains du roi seront élus. En 2007 [les dernières élections législatives organisées dans le pays], à peine un tiers des marocains avait participé aux élections. Ici, les gens savent que voter ne les avance à rien et donc ne vont pas aux urnes. Mais au lieu de laisser faire les choses en restant passifs, nous préférons organiser un véritable boycott, plus visible et plus réfléchi.
 
Nous appelons à plus de justice sociale et économique. Nous voulons savoir où va l’argent qui découle des richesses naturelles du pays. Et nous voulons que le roi arrête de mettre le nez dans les affaires, comme les mines ou l’agroalimentaire, etc. Bref, il y a du boulot.
 
La répression par la force, ainsi que la politique médiatique visant à discréditer le Mouvement du 20 Février – la presse nous a décrits comme une bande d’ "homosexuels et d’impies" – c’est un indice de l’épuisement de la créativité du régime. Ils ne trouvent plus de méthodes pour démanteler la colère. Ils ont bien essayé, mais la nouvelle Constitution n’est pas un document démocratique, car elle ne sépare pas le roi du pouvoir. Il reste au centre de tout. À savoir si le Maroc suivra la route de la Tunisie, la Libye, ou la Syrie ? On ne sait pas."
 

"Boycotter, ca veut dire rester à la marge. Et je ne pense pas que les marocains soient prêts pour une révolution"

Mounir Bensalah, ingénieur, blogueur et activiste âgé de32 ans, vit à Casablanca.
 

J’ai participé aux manifestations au début du Mouvement du 20 février, mais pas aux dernières, car je suis opposé au boycott. Boycotter, ça veut dire qu’on veut rester à la marge. Et après ? Cela veut-il dire qu’on passe à la révolution ? Je ne pense pas que les Marocains soient prêts pour cela. Les Marocains veulent du réformisme, pas une révolution.
 
C’est bien de descendre dans la rue, mais c’est mieux, selon moi, de passer par les institutions existantes. Quand nous étions face à une impasse, nous sommes descendus dans la rue. Maintenant que les Marocains ont adopté cette réforme constitutionnelle, nous avons dépassé l’impasse.
 
Je pense qu’il faut trouver un moyen d’amener les militants du Mouvement du 20 Février à représenter leurs idéaux dans les institutions. Nous pouvons également être observateurs de ce qui se passe pendants les élections, et témoigner des abus.
 
Le boycott aurait un effet négatif. En revanche, plus les gens votent, moins les irrégularités seront possible. Quand il y a une vraie participation, on ne peut pas acheter tout le monde !"
 
 
source France 24 
 

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