l y a quelques semaines, un ami tunisien m’a posé la question suivante: «Comment se fait-il que les Algériens restent tranquilles et qu’ils ne déclenchent pas eux aussi leur révolution?». Je n’ai pas été surpris par cette question. Depuis la chute du régime de Ben Ali et la propagation du vent de révolte aux quatre coins du monde arabe,
l’Algérie fait figure d’exception pour ne pas dire d’énigme. Le fait
qu’un peuple réputé frondeur, bagarreur et, surtout, insatisfait de son
sort, se tienne en dehors d’un large mouvement de contestation qui est
en train de redessiner la carte géopolitique de l’Afrique du nord et du
Proche-Orient est effectivement source d’interrogation pour nombre
d’observateurs.
Le poids de la guerre civile
J’ai répondu à cet ami en lui rappelant cette autre question qu’il me posait sans cesse au milieu des années 1990. «Comment se fait-il que les Algériens s’entretuent ainsi?»
me demandait-il alors, horrifié par les massacres et les attentats qui
ensanglantaient alors mon pays. Il est en effet impossible d’analyser la
situation algérienne actuelle en faisant abstraction des conséquences
d’une décennie de violences et de destructions (1990-2000). Il est
d’ailleurs étonnant de voir à quel point cette thématique est aussi peu
présente dans les articles concernant la relative tranquillité de la
scène algérienne.
Le traumatisme a pourtant été profond et c’est
toute une société, épuisée et marquée dans sa chair, qui souffre de
troubles post-traumatiques. Dès lors, on ne peut pas s’étonner de voir
que le Printemps arabe ne touche pas (ou si peu) l’Algérie.
Contrairement à leurs voisins, qu’il s’agisse des Tunisiens ou des
Libyens, ou de leurs cousins Egyptiens ou Syriens, les Algériens
connaissent le prix sanglant d’une transition qui tourne (très) mal.
Nombre d’entre eux se disent que mieux vaut la situation actuelle,
fut-elle mauvaise, qu’une nouvelle flambée de violence. A cela s’ajoute
l’impact de ce qui s’est passé en Libye où, au final, la contestation du
régime de Kadhafi a débouché sur une intervention étrangère et sur le
morcellement d’un pays désormais en proie à l’ordre musclé des milices.
Un scénario dont ne veulent absolument pas des Algériens unis par un
nationalisme des plus ombrageux.
C’est donc instruit par une
expérience douloureuse que ces derniers se réfugient actuellement dans
une position attentiste. Précisons au passage que l’Algérie connaît tout de même un mouvement continu de protesta depuis près de dix ans. Pas un jour ne passe dans ce pays sans que, quelque part, des manifestants, ne se frottent aux forces de l’ordre.
Architectes, médecins, aveugles, cancéreux, gardes-champêtres, employés
de l’administration fiscale, tous ont battu le goudron pour réclamer
leurs droits. Cela explique pourquoi il n’existe pas (encore) de
mouvement national de protestation puisque les revendications exprimées
sont souvent d’ordre corporatistes (augmentation de salaires,
amélioration d’un statut administrative, allègement des programmes
universitaires, accès aux soins…) ou sociales (demande de logements ou
d’emplois).
Mais ce qui s’est passé dans les années 1990
n’explique pas tout. Il faut aussi rappeler le fait que le pouvoir
algérien a les moyens d’acheter la paix sociale. Avec 175 milliards de
dollars de réserve de change, il a une marge de manœuvre confortable
dont ne disposaient pas Ben Ali ou Moubarak. De fait, c’est un peu comme
si le pouvoir et la population étaient engagés dans un grand
marchandage à propos de la redistribution de la manne pétrolière et
gazière, unique ressource d’exportation d’un pays incapable de
diversifier son économie. «Je ne t’aime pas mais si tu me cèdes un peu plus d’argent, alors tu auras encore la paix», tel semble être le message adressé par la population au régime.
Les Algériens ne font pas confiance à l’opposition
Ceci
étant précisé, il reste tout de même à savoir si les Algériens ont
vraiment envie du changement. Veulent-ils eux aussi leur «Printemps»? A
lire la presse algérienne, notamment d’expression française, la réponse
est totalement positive. Face à une volonté de changement qui serait
partagée par une grande majorité de la population, le pouvoir algérien
est accusé par nombre d’éditorialistes et de chroniqueurs de déployer
des stratégies dilatoires pour empêcher le peuple de se mobiliser pour
obtenir ce qu’il souhaite, à savoir un nouveau régime. A la longue, ces
articles et ces éditoriaux forment une longue chaîne d’incantations
monocordes où seul le pouvoir, qu’il s’agisse du président Bouteflika ou
des services de sécurité dirigés par le général Tewfik, sont pointés du
doigt. Il va s’en dire que ces mises en causes sont souvent justifiées
surtout lorsqu’elles concernent le blocage politique du pays. Mais, à
force d’ignorer d’autres pistes, elles prennent de plus en plus la forme
de lamentations lacrymales dont le seul intérêt est de «refroidir le cœur», expression algérienne qui signifie calmer une colère ou évacuer une frustration, sans pour autant modifier la donne.
Plus à perdre qu’à gagner d’un bouleversement du paysage politique
Je
pense que si les Algériens restent absents du champ de la contestation
politique, c’est aussi parce que nombre d’entre eux – outre ce qui a été
exposé précédemment – considèrent qu’il n’est pas dans leur intérêt que
la situation change. Certes, ils sont malheureux (qui ne l’est pas en
Algérie?). Certes, ils savent que les choses pourraient aller mieux.
Mais, au fond d’eux-mêmes, ils préfèrent le statu quo. Les uns estiment
qu’ils auraient plus à perdre qu’à gagner d’un bouleversement du paysage
politique, notamment sur le plan matériel (on fait de très bonnes
affaires en ce moment en Algérie). Les autres, et c’est là où, à mon
sens réside l’une des explications majeures de l’apathie algérienne, ne
voient pas où se situe l’alternative et disent même ignorer si elle
existe.
L’opposition politique brille par son silence
Car,
le moins que l’on puisse dire, c’est que l’opposition politique,
notamment celle qui n’appartient pas au camp islamiste, brille par son
silence et son incapacité à se faire entendre. Certes, le pouvoir ne lui
facilite pas la tâche, notamment parce qu’il verrouille les médias
lourds comme la télévision. Mais, l’impression que donne cette
opposition, c’est qu’elle attend qu’on l’autorise à prendre la parole et
à faire entendre sa voix. On dirait qu’elle attend que le pouvoir lui
concède quelques morceaux du festin et qu’elle craint par-dessus tout de
prendre ses responsabilités de peur de subir le même sort que d’autres
oppositions dans le monde arabe (exil, emprisonnement,…).
En réalité, comme me l’a dit un jour l’éditorialiste K. Selim du Quotidien d’Oran, «Ce
sont les journalistes algériens qui font de la politique à la place des
politiciens y compris ceux de l’opposition. Ce sont les journalistes
algériens qui analysent et avancent des propositions. Les politiciens,
eux, se taisent et ce n’est pas normal. Notre boulot devrait être de
commenter leurs propos, pas d’offrir des analyses à leur place!».
Un silence qui, disons-le ouvertement, ne relève pas uniquement de la
peur du régime mais aussi d’une incompétence certaine. Ni articles, ni
analyses, et encore moins de livres, l’opposition algérienne se
caractérise par une absence de production d’idées qui conforte nombre
d’Algériens dans l’idée que mieux vaut encore le système actuel. Voilà
donc un autre obstacle au changement en Algérie et ce ne sera pas l’un
des plus faciles à franchir…
Akram Belkaïd
il fallait inverser la question :
RépondreSupprimer"" quand les Algériens combattaient la horde sauvage , seuls et sans aides - ne serait-ce que morale- où étiez vous ?
C'était le monde entier qui jouissait de plaisir de voir le peuple noyé dans le sang des siens .
Pour le moment , c'est le repos du guerrier. Nous savons maintenant où se trouve notre intérêt , quant à ceux qui veulent "guerroyer" qu'ils fassent ce qu'ils veulent chez eux.
L'Algérien sait ce qu'est la lutte : 1954/1962
L'Algérien connait ses amis/annemis: 1990/2000.
.
http://www.petitionenligne.fr/petition/petition-contre-le-non-sens-requete-au-procureur-de-la-republique/1976
RépondreSupprimerkhalfa02.
RépondreSupprimerbien dit el arabi.
quand l'algerie brulait les occidentaux jubilaient et les arabes faisaient la dance du ventre.les barbus de service se pavanaient en GB en france allemagne et les states en toute securite.pendant que notre pays sombre dans le
chaos avec la benediction des fatwas des saoud el yahoud ou etaient ces arabes democrates salafistes et nahdaistes pour denoncer ces crimes commis par leurs disciples fanatises et sanguinaires.