Elle est venue vers moi me dire « Je voterai Hollande pour l’avenir de mes enfants et petits enfants. Il n’est pas imaginable que je vote autrement. »
c’est Elisabeth, 82 ans, qui me l’a confié. Les cheveux gris, des
petits yeux pétillants, elle est venue vers moi Henriette, pour me dire
ces quelques mots.
J’étais tranquillement assis dans un café en train de lire ma revue
de presse matinale quand elle s’est approchée de moi. Elle me regardait
faire des annotations et prendre quelques notes sur un carnet. Faisant
mine de ne pas voir qu’elle m’observait, je continuais ma lecture.
J’esquissais de temps en temps un regard en sa direction en tournant les
pages. Elle me regardait toujours. J’étais gêné. Je me disais que je
devais probablement la connaître et donc la reconnaître. Mais rien, son
visage m’était inconnu.
Délicatement, elle se rapprocha de moi et me dit « je peux ? »… me montrant le journal Le Monde, plié sur le coin de ma table. Je lui dis « bien sur, je vous en prie ».
Elle prie le journal. Je savais qu’elle était en train de lire mes
annotations. Elle entrait donc dans une partie de ma pensée. Je n’y
voyais aucun inconvénient. C’était même amusant.
Pendant sa lecture, je la voyais me lancer quelques regards comme si
elle cherchait quelque chose, comprendre qui je suis. Pendant ce temps,
je me lançais dans la lecture du Canard. Un des journaux qui vous donne
le sourire même par temps de crise dans un hiver qui n’en finit pas.
Sourire amer parfois d’une élite déstructurée.
Dans le café, les clients se pressent au comptoir pour une gorgée d’arabica. « Très bien », ce sont les mots qu’elle prononça en se levant. Elle me remit le journal plié sur mon coin de table. « Je vous remercie. ».
Elle me regarda quelques instants en boutonnant son manteau : « Je voterai Hollande pour l’avenir de mes enfants et petits-enfants. A 82 ans, il n’est pas imaginable que je vote autrement ».
Surpris d’être interpellé de la sorte, je n’ai pas su quoi lui répondre. « Je vous souhaite une bonne journée »
m’a-t-elle dit en me quittant. Elle m’a tourné les talons, avec la
curiosité mystérieuse de ces femmes de caractère. J’ai regardé cette
femme s’éloigner entre les clients, sortir dans la rue et disparaître
dans la circulation matinale.
En reprenant la lecture du mon journal qu’elle m’avait redonné, j’ai
trouvé inscrit en bas de page une annotation qui n’était pas la
mienne : Elisabeth, 82 ans, pour Hollande.
J’ai eu un sourire complice en cherchant au loin la trace
d’Elisabeth. La rue était déserte de son image. D’elle, j’ai gardé ce
souvenir d’une rencontre éphémère.
Le changement, toute une histoire.
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