jeudi 27 octobre 2011

Attaque des camps de réfugiés sahraouis à Tindouf : A qui profite la prise d´otages ?

Dès le départ, le Maroc a applaudi, dans la discrétion puis de plus en plus ouvertement, à l´enlèvement des trois volontaires qui assistaient les populations sahraouies réfugiées depuis 1975 à Tindouf. 
Ces activistes qui sont une cinquantaine en moyenne toute l´année apportent une indispensable aide humanitaire, mais aussi un soutien politique précieux aux Sahraouis. Rabat a donc de bonnes raisons d´en vouloir à la société civile espagnole qui est majoritairement active aux côtés de cette population que défend le Front Polisario.

Mardi, le ministre des Affaires étrangères marocain, Fassi Fihri, ne s´est pas gêné d´exprimer publiquement  ce sentiment de satisfaction non contenue au terme de ses entretiens avec son homologue espagnole, Mme Trinidad Jimenez.


La ministre des Affaires étrangères de José Luis Zapatero qui réalisait alors sa première visite officielle au Maroc depuis qu´elle est à la tête de la diplomatie espagnole voilà une année, a jeté un gros pavé «dans le désert» quand elle a annoncé, consciemment ou  par maladresse depuis la capitale marocaine, que son gouvernement a demandé aux Nations unies l´envoi d´une mission d´enquête à Tindouf, lieu où ont été enlevés trois activistes  pro-sahraouis, deux espagnols et une italienne.

Par qui ? Tous les médias ont dès le départ pointé du doigt Al Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi). Certains feront leurs manchettes même  de  «La griffe d´Al Qaïda».


Le «doute» entretenu à dessein

Jimenez n´était pas convaincue de l´identité des auteurs de cet enlèvement. «Prudence» pour ne pas mettre en péril la vie des otages, comme elle le réclame depuis dimanche ?  

Ou alors «discrétion» pour ne pas éveiller les soupçons qui planent déjà sur l´intention de Zapatero de faire activer les relais maliens et payer la rançon réclamée par les ravisseurs ? Depuis Malaga, à la veille de son départ à Rabat, puis dans la capitale marocaine, elle avait qualifié de «spéculations» de presse ces affirmations.


Un doute entretenu à dessein sur l´identité des preneurs d´otages qui laisse supposer que les contacts sont déjà en cours avec Aqmi. Un doute qui fait jubiler le ministre marocain des Affaires étrangères, Fassi Fihri, au cours de cette conférence de presse conjointe.


Fihri le sait, son homologue espagnole est connue pour faire partie du «lobby pur et dur» du Parti Socialiste espagnol acquis aux thèses du Maroc sur le Sahara occidental et qu´elle vient de lui tendre la perche. Il ne s´embarrasse pas de réveiller les vieux démons en remettant d´actualité  la thèse du «qui tue qui» qui a fait faillite dans les années 90 mais qui colle encore à la peau de l´Algérie.  


Attaque de Fihri contre l´Algérie

Le chef de la diplomatie marocaine saisit la balle au vol pour se livrer à une attaque en règle contre l´Algérie qu´il accuse d´être «responsable» de la sécurité de tous les étrangers présents sur son territoire, s´agissant «à plus forte raison dans l´une des régions les plus militarisées du monde». Fihri laisse entendre que l´opération d´enlèvement a été possible grâce à des «complicités» sur place, dans cette une «zone de non-droit».

La ministre espagnole des Affaires étrangères découvre l´ampleur des dégâts de sa maladresse qui a dû être certainement relevée dans les détails par Alger, et tente de se rattraper. Trop tard ! Le ministre marocain a saisi cette occasion inespérée pour  soulever indirectement la controversée question des «frères» sahraouis considérés de fait par Rabat comme des ressortissants marocains pris en otages par les mercenaires du front  Polisario cadre parfaitement.


Le cheval de bataille de Rabat

C´est le cheval de bataille de la diplomatie marocaine depuis la publication, en 2010, des rapports successifs des organisations humanitaires internationales, Amnesty International et Human Rights sur les violations des droits de l´homme au Sahara Occidental, très accablants pour le Maroc.

Rabat a convaincu le gouvernement socialiste espagnol d´«équilibrer «l´accusation en plaidant à l´ONU pour la surveillance des droits de l´homme à Tindouf. L´Espagne n´a pas demandé une commission d´enquête sur les droits de l´homme à Tindouf, mais sa demande d´une mission du HCR sur les conditions de sécurité dans les camps de réfugiés sahraouis pourrait inspirer une telle initiative pour le compte de Rabat, avec l´appui de la France.  


Mme Jimenez rectifie. Le gouvernement espagnol  «agit intensément» avec tous les pays de la région, Algérie, Mali, Mauritanie mais aussi, c´est nouveau depuis mardi, avec le Maroc  qui a proposé ses services pour faire la lumière sur cette séquestration en vue d´obtenir la libération des trois coopérants.


«Il est hors de question de quitter Tindouf»

Le mal est fait. Visiblement, le gouvernement Zapatero, avec le Maroc et la France, tente de décourager les missions humanitaires dans la partie du Sahara occidental libérée.

«La mission du HCR permettra au gouvernement espagnol de prendre les décisions qu´il faut concernant le maintien ou non des ressortissants espagnols travaillant dans les camps de réfugiés sahraouis». Les organisations civiles espagnoles ont déjà réservé une fin de non-recevoir à ce qui prend les allures d´un complot contre eux.» Pas question d´abandonner les Sahraouis même au risque d´être pris en otagee!


Au cours d´une réunion qu´il a tenue au lendemain de l´enlèvement de leurs trois collègues,  ils ont assisté à une réunion avec le gouvernement espagnol qui, «après les avoir écoutés, s´est résigné à ne pas leur faire de recommandation les invitant à partir. Juste un conseil pour leur demander de reporter leurs déplacements «non nécessaires» à Tindouf, en attendant les conclusions du rapport de la commission du HCR.


«Des «complicités, oui, mais de quel côté ?»

Un délégué du mouvement sahraoui a affirmé, de passage à Madrid, qu’il n´est pas dupe de toutes ces manœuvres du fait du lobby socialiste pro-marocain. Il rappelle que les autorités marocaines «nous ont même accusés d´être de connivence avec Aqmi !»

C´est, à son avis, «le Maroc qui a tout à gagner dans cette affaire de prise en otages de militants de la cause sahraouie, qu´il tente d´exploiter pour compliquer la question du Sahara occidental, après nous avoir accusés d´avoir des liens avec Al Qaïda», dit-il avant de faire observer que les Etats-Unis, présents au Sahel et dans la région,


«n´ont jamais pris au sérieux ces élucubrations d´une diplomatie en mal d´imagination qui, elle, a des complicités au sein des gouvernements français et espagnol». Des complicités dans  la séquestration des trois militants de la cause sahraouie ? «Peut-être, dit-il, mais il faut voir du côté marocain».

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